dimanche 26 février 2012

Racisme en milieu scolaire en France

Sur le terrain 25/02/2012 à 13h32

Dans ce lycée, Noirs et Blancs ne déjeunent pas ensemble

Nolwenn Le Blevennec | Journaliste Rue89
Audrey Cerdan | Photographe Rue89

Un parent d'élève a alerté Rue89 : dans un lycée agricole du sud de la France, la candidature de Marine Le Pen à la présidentielle exacerbe le racisme de certains.


Des vaches, non loin du lycée (Audrey Cerdan/Rue89)

Mi-février, en pleine vague de froid, le lycée paraît sans vie : rectangles en béton silencieux et pelouse gelée. Mais devant le réfectoire, dès 11h45, des dizaines de jeunes s'agglutinent, et il se passe quelque chose : les Noirs mettent leurs sacs près de la vitre ; les Blancs, à un autre endroit.

Beaucoup de lycéens ne souhaitent pas discuter de politique, certains déclinent par un sourire ironique, déplaisant. Les premiers qui témoignent sont de gauche : une partie des élèves est tentée par le FN, disent-ils, et c'est pour virer les étrangers.

« Ils disent que les Noirs sont sales »

Claire – tous les prénoms ont été changés, à la demande des élèves ou bien pour les protéger –, 16 ans, nous a donné rendez-vous dans « le temple du shopping » de la ville d'à côté. Claire est une première de classe, habillée de bleu et marron, fan de l'écrivain Pierre Bottero, utilisant l'expression « c'est avantageux » pour dire « c'est frais ».


Claire (Audrey Cerdan/Rue89)

Elle se dit de gauche : « En 2007, j'étais en CM2, et j'étais pour Besancenot » (elle tient ça de ses parents). Claire pense que Marine Le Pen peut passer : « Tous les petits vieux la trouvent bien mignonne. » Au lycée ?

« Au lycée, y a pas mal de racistes, surtout des garçons. Ils disent que les Noirs sont sales, que ce sont des crades. »

Plus âgée, Lucie, en BTS production animale, est une « grosse glandeuse » très sympathique, qui aimerait devenir véto, mais ne s'en donne pas les moyens (boîte de nuit tous les jeudis soirs, entre autres). Lucie ne vote pas. « Pas assez cultivée. Je trouve le journal Le Monde trop difficile, je n'arrive pas à le tenir. »

Sur le racisme, elle dit :

« Au lycée, [les Blancs] ne mangent pas à côté des filles noires. Mes grand-parents n'aiment pas les Arabes, mais à ce point-là je n'ai jamais vu ça. Dans leur tête, c'est fixé, il n'y a que Le Pen qui peut y arriver. »

« Elles profitent du racisme »

Les filles noires ? Une bande de copines, en bac pro service en milieu rural (SMR), venant de la ville. C'est elles qui sont visées.

Au lycée, ces filles noires, urbaines, des quartiers, cohabitent avec des jeunes Blancs issus d'un milieu modeste (mère cantinière, père à la SNCF, par exemple), rural, ou les deux. Claire trouve que les remarques racistes sont « infondées », bien sûr, mais elle ne les condamne pas fermement. Elles n'aime pas ces filles pleines d'exubérance. Claire semble répéter un discours cent fois entendu quand elle dit :

« Ce n'est pas parce qu'elles sont noires, mais elles ont toutes un grain. Provocatrices, en talons aiguilles. Elles sont toujours ensemble et cherchent à avoir mauvaise réputation. Elles profitent du racisme envers elles pour retourner le racisme. »


Lucie (Audrey Cerdan/Rue89)

Plusieurs heures plus tard, Lucie dit à peu près la même chose. Elle semble ne pas se rendre compte de la violence de ses mots :

« Elles sont spéciales, ce sont des pouf'. Elles s'isolent, et elles critiquent les paysans. Elles parlent super fort aussi, on entend qu'elles, c'est pour ça qu'on s'assoit loin à la cantine. »

« Leurs parents ne sortent pas de chez eux »

Claire et Lucie ne se révoltent donc pas spécialement quand leurs camarades de classe insultent les filles noires ou les regardent avec mépris. Elles laissent faire. Ce sont souvent des fils d'agriculteurs, disent-elles. Lucie essaye de trouver des circonstances atténuantes à ses camarades :

« Ces mecs, ils ont des parents qui ne sortent pas de chez eux, qui regardent la télé et qui bloquent dès qu'il y a un fait divers avec un Noir ou un Arabe. Je connais un paysan, il habite encore chez sa mère à 40 ans, le pauvre. Il déteste Harry Roselmack. Il y en a plein des comme ça. Et puis, faut arrêter, les remarques racistes, c'est pas tout le temps. »

De son côté, Claire précise que certains sont plus ouverts que d'autres. Elle pense à une copine, « fille de paysans », « qui a récemment envisagé de lire le journal d'Anne Franck ».

« Sales Noirs, laissez-nous partir »

Plus tard, Mariam et Amina sortent de la cantine, sous un ciel aux nuages jaunes et froids. Elles sont noires, dans la fameuse filière SMR (un peu par défaut, elles ne savaient pas où aller après le BEP). Dès que la question du racisme au lycée est posée, elles ne s'arrêtent plus de raconter :

« Il y a beaucoup de problèmes avec les gens de couleur ici. Ils disent “vivement la vague bleue”, en référence à Marine Le Pen. »

La présidentielle rend la situation plus difficile, disent-elles.

« Ce n'était pas pareil, il y a deux ans. Ils nous disent qu'ils vont enfin pouvoir nous dégager. »

Mariam, 19 ans, timide, raconte qu'elle était enceinte l'année dernière, et qu'on lui a mis un coup d'épaule. On l'a aussi traitée de singe. Elle dit que « cela se frotte » toujours dans le bus ou au self-service :

« Ils rigolent de nous. »

« Ils nous doublent dans la queue. »

« Ils se mettent très loin de nous, même quand il y a une table de huit places libre à côté. »


Mariam (Audrey Cerdan/Rue89)

Amina, plus explosive, raconte une anecdote dans le bus : une fille black s'est fait « emmerder » par le chauffeur, alors qu'elle avait payé son ticket. Les Noirs étaient de son côté.

« Les autres se sont révoltés en se mettant à hurler : “Bande de sales Noirs, laissez-nous partir en week-end.” C'était le retour à la ségrégation. »

Le bonheur, ce sera au soleil de Guinée

Ces deux-là ne portent pas de talons hauts et n'ont pas « un grain » dans la tête, comme le décrivait Claire. Amina ne sait pas qui est responsable de cette situation : les parents, la société, les médias... Mais elles se font une raison.

« On encaisse, on vit avec. Du moment qu'ils nous crachent pas dessus, ils peuvent avoir des opinions. Mais ce qu'ils ne supportent pas, c'est qu'on ne se laisse pas faire, qu'on ne baisse pas les yeux. On aurait des copains sur place, je pense qu'ils rigoleraient moins.

Quand on va voir les CPE [conseillers principaux d'éducation, ndlr] pour dire qu'on est persécutées, elles nous répondent qu'on a une part de responsabilité. [...]

C'est vrai qu'on a un esprit africain, on aime rigoler et être ensemble, mais on a aussi des camarades blanches et on ne rejette personne. »

Elles les appellent quand même les « petits campagnards », ce qui est à la fois méprisant et affectueux.


Amina (Audrey Cerdan/Rue89)

Amina aimerait être considérée comme une Française. « On me demande toujours de quel pays d'Afrique je viens. »

Et en même temps, elle sait déjà que la France ne va pas la rendre heureuse. Ses parents, qui s'occupent d'une famille nombreuse, ne travaillent pas. Son futur métier ne lui plaît pas, d'avance.

Amina n'a jamais été en Guinée, mais c'est dans ce pays qu'elle se voit souffler, et tourner son visage vers le soleil.

« Y a pas moyen. Je finirai mes jours là-bas. »

« Les agriculteurs ont changé »

Qui sont ces ados xénophobes ? Fils d'agriculteurs, Thomas et Martin, ne se sentent pas du tout concernés. Ils sont eux très à gauche, pas racistes du tout.


Martin (Audrey Cerdan/Rue89)

Martin a des parents dans l'agriculture bio, séduits par Mélenchon. C'est l'intello de sa bande. L'année dernière, il était dans une classe qui comptait beaucoup de racistes. Il ne les aimait pas. Il s'en est rendu malade (fièvre chronique).

A 19 ans, Thomas ne cesse de répéter que son père, sans héritage, a dû « démarrer son exploitation de rien ». Dix ans de sacrifice. C'est peut-être ce qui explique la différence de mentalité entre lui et ces camarades :

« [Les autres fils d'agriculteurs], ils ont déjà tout le matériel, toute la terre. Il n'ont pas besoin de travailler autant. Ils ont tout dans les mains. Ils ne voient plus les choses comme il y a vingt ans. Ils n'ont plus les mêmes valeurs de travail, de partage, de terre. Ils voient juste le bout de leur nez. »

« Ça dérape sur le fait qu'il y a trop de Noirs »

Fred a des yeux bleus ahurissants (ceux de sa mère). Il est moins tranché politiquement que Thomas et Martin. Lui vient du Nord de la France, il n'est pas fils d'agriculteurs. Il est en filière technologique « aménagement du territoire ». Il raconte :

« Les gens de ma classe trouvent qu'il y a trop d'immigrés et qu'il vaut mieux que chacun soit chez soi. En cours d'éducation socio-culturelle, on parle de la culture française, et tout de suite ça dérape sur le fait qu'il y a trop de Noirs. »


Fred (Audrey Cerdan/Rue89)

Quand on lui demande pourquoi il ne s'indigne pas, il hausse les épaules.

« Moi, je m'entends bien avec tout le monde dans ma classe. »

C'est le lendemain, quand la classe de Fred sort de cours, qu'on tombe enfin sur l'un d'eux. L'un des « leaders », très imposant, avec des cheveux laqués, et des tâches blanches sur les dents qui lui donnent l'air d'un enfant.

Marine Le Pen peut-elle faire quelque chose contre les étrangers en France ? Il répond : « Non, c'est trop tard, elle peut rien faire, il y en a trop. » Puis il s'en va, fier de lui. C'est tout. L'autre grand chef de bande, aux pics de cheveux blonds, voudrait bien nous parler, mais sa petite copine autoritaire le lui interdit.

dimanche 28 août 2011

RÉPONSE DU MINISTRE BRÉSILIEN DE L'ÉDUCATION INTERROGE PAR UN ETUDIANT AMERICAIN

Superbe réponse du ministre brésilien de l'Education interrogé par des étudiants aux Etats-Unis... La presse nord-américaine a refusé de publier ce texte.


Pendant un débat dans une université aux Etats-Unis, le ministre de l'Éducation Cristovam Buarque, fut interrogé sur ce qu'il pensait au sujet de l'internationalisation de l'Amazonie. Le jeune étudiant américain commença sa question en affirmant qu'il espérait une réponse d'un humaniste et non d'un Brésilien.


Réponse de M. Cristovam Buarque:

En effet, en tant que Brésilien je m'élèverais tout simplement contre l'internationalisation de l'Amazonie. Quelle que soit l'insuffisance de l'attention de nos gouvernements pour ce patrimoine, il est nôtre. En tant qu'humaniste, conscient du risque de dégradation du milieu ambiant dont souffre l'Amazonie, je peux imaginer que l'Amazonie soit internationalisée, comme du reste tout ce qui a de l'importance pour toute l'humanité. Si, au nom d'une éthique humaniste, nous devions internationaliser l'Amazonie, alors nous devrions internationaliser les réserves de pétrole du monde entier.


Le pétrole est aussi important pour le bien-être de l'humanité que l'Amazonie l'est pour notre avenir. Et malgré cela, les maîtres des réserves de pétrole se sentent le droit d'augmenter ou de diminuer l'extraction de pétrole, comme d'augmenter ou non son prix. De la même manière, on devrait internationaliser le capital financier des pays riches. Si l'Amazonie est une réserve pour tous les hommes, elle ne peut être brûlée par la volonté de son propriétaire, ou d'un pays. Brûler l'Amazonie, c'est aussi grave que le chômage provoqué par les décisions arbitraires des spéculateurs de l'économie globale. Nous ne pouvons pas laisser les réserves financières brûler des pays entiers pour le bon plaisir de la spéculation.


Avant l'Amazonie, j'aimerai assister à l'internationalisation de tous les grands musées du monde. Le Louvre ne doit pas appartenir à la seule France. Chaque musée du monde est le gardien des plus belles oeuvres produites par le génie humain. On ne peut pas laisser ce patrimoine culturel, au même titre que le patrimoine naturel de l'Amazonie, être manipulé et détruit selon la fantaisie d'un seul propriétaire ou d'un seul pays.


Il y a quelque temps, un millionnaire japonais a décidé d'enterrer avec lui le tableau d'un grand maître. Avant que cela n'arrive, il faudrait internationaliser ce tableau. Pendant que cette rencontre se déroule, les Nations unies organisent le Forum du Millénaire, mais certains Présidents de pays ont eu des difficultés pour y assister, à cause de difficultés aux frontières des États-unis. Je crois donc qu'il faudrait que New York, lieu du siège des Nations unies, soit internationalisé. Au moins Manhattan devrait appartenir à toute l'humanité. Comme du reste Paris, Venise, Rome, Londres, Rio de Janeiro, Brasília, Recife, chaque ville avec sa beauté particulière, et son histoire du monde devraient appartenir au monde entier.

Si les États-Unis veulent internationaliser l'Amazonie à cause du risque que fait courir le fait de la laisser entre les mains des Brésiliens, alors internationalisons aussi tout l'arsenal nucléaire des Etats-Unis. Ne serait-ce que par ce qu'ils sont capables d'utiliser de telles armes, ce qui provoquerait une destruction mille fois plus vaste que les déplorables incendies des forêts brésiliennes. Au cours de leurs débats, les actuels candidats à la Présidence des Etats-Unis ont soutenu l'idée d'une internationalisation des réserves forestières du monde en échange d'un effacement de la dette. Commençons donc par utiliser cette dette pour s'assurer que tous les enfants du monde aient la possibilité de manger et d'aller à l'école.


Internationalisons les enfants, en les traitant, où qu'ils naissent, comme un patrimoine qui mérite l'attention du monde entier. Davantage encore que l'Amazonie. Quand les dirigeants du monde traiteront les enfants pauvres du monde comme un Patrimoine de l'Humanité, ils ne les laisseront pas travailler alors qu'ils devraient aller à l'école, ils ne les laisseront pas mourir alors qu'ils devraient vivre.


En tant qu'humaniste, j'accepte de défendre l'idée d'une internationalisation du monde. Mais tant que le monde me traitera comme un Brésilien, je lutterai pour que l'Amazonie soit à nous.


Et seulement à nous !

mercredi 17 août 2011

Somalie: comment les puissances coloniales maintiennent le pays dans le chaos

Interview de Mohamed Hassan*
Propos recueillis par Grégoire Lalieu et Michel Collon
Lundi 14 Décembre 2009


La Somalie avait tout pour réussir : une situation géographique avantageuse, du pétrole, des minerais et, fait plutôt rare en Afrique, une seule religion et une seule langue pour tout le territoire. La Somalie aurait pu être une grande puissance de la région. Mais la réalité est toute différente : famine, guerres, pillages, pirates, attentats… Comment ce pays a-t-il sombré? Pourquoi n’y a-t-il pas de gouvernement somalien depuis presque vingt ans ? Quels scandales se cachent derrière ces pirates qui détournent nos navires ?


Mohamed Hassan nous explique pourquoi et comment les puissances impérialistes ont appliqué en Somalie une théorie du chaos.


Comment la piraterie s’est-elle développée en Somalie ? Qui sont ces pirates ?


Mohamed Hassan : Depuis 1990, il n’y a plus de gouvernement en Somalie. Le pays est aux mains de seigneurs de guerre. Des navires européens et asiatiques ont profité de cette situation chaotique pour pêcher le long des côtes somaliennes sans aucune licence et sans respecter des règles élémentaires. Ils n’ont pas respecté les quotas en vigueur dans leurs propres pays pour préserver les espèces et ont employé des techniques de pêche – notamment des bombes ! – qui ont créé d’énormes dégâts aux richesses des mers somaliennes. Ce n’est pas tout ! Profitant également de cette absence d’autorité politique, des compagnies européennes, avec l’aide de la mafia, ont déversé des déchets nucléaires aux larges des côtes somaliennes. L’Europe était au courant, mais a fermé les yeux car cette solution présentait un avantage pratique et économique pour le traitement des déchets nucléaires. Or, le tsunami de 2005 a déposé une grande partie de ces déchets jusqu’aux terres somaliennes. Et d’étranges maladies sont apparues pour la première fois au sein de la population.


Voilà le contexte dans lequel la piraterie s’est principalement développée. Les pêcheurs somaliens, qui disposent de techniques rudimentaires, n’étaient plus en mesure de travailler. Ils ont donc décidé de se protéger ainsi que leurs mers. C’est exactement ce que les Etats-Unis ont fait durant la guerre civile contre les Britanniques (1756-1763) : ne disposant pas de forces navales, le président George Washington passa un accord avec des pirates pour protéger les richesses des mers américaines.


Pas d’Etat somalien depuis presque vingt ans ! Comment cela est-il possible ?


M. H. : C’est le résultat d’une stratégie américaine. En 1990, le pays est meurtri par les conflits, la famine et les pillages, et l’Etat s’effondre. Face à une telle situation, les Etats-Unis, qui ont découvert quelques années auparavant des réserves de pétrole en Somalie, lancent l’opération Restore Hope en 1992. Pour la première fois, des Marines US interviennent en Afrique pour essayer de prendre le contrôle d’un pays. Pour la première fois aussi, une invasion militaire est déclenchée au nom de l’ingérence humanitaire.


Le fameux sac de riz exhibé sur une plage somalienne par Bernard Kouchner ?


M. H. : Oui, tout le monde se souvient de ces images soigneusement mises en scène. Mais les véritables raisons étaient stratégiques. En effet, un document du département d’Etat US préconisait que les Etats-Unis se maintiennent comme seule et unique superpuissance mondiale suite à la chute du bloc soviétique. Pour accomplir cet objectif, il recommandait d’occuper une position hégémonique en Afrique, très riche en matières premières. Restore Hope sera pourtant un échec.


Le film hollywoodien « La Chute du faucon noir » a marqué les esprits, avec ses pauvres GI's « assaillis par de méchants rebelles somaliens »…


M. H. : En effet, les soldats US seront vaincus par une résistance nationaliste somalienne. Depuis lors, la politique des Etats-Unis a été de maintenir la Somalie sans véritable gouvernement, voire de la balkaniser. La vieille stratégie britannique, d’ailleurs appliquée en de nombreux endroits : mettre en place des Etats faibles et divisés pour mieux tirer les ficelles. Voilà pourquoi il n’y a pas d’Etat somalien depuis presque vingt ans. Les Etats-Unis ont une espèce de théorie du chaos afin d’empêcher toute réconciliation somalienne et maintenir le pays divisé. Au Soudan, suite à la guerre civile, Exxon a dû quitter le pays après y avoir découvert du pétrole.


Laisser la Somalie plongée dans le chaos n’est-ce pas contraire aux intérêts des Etats-Unis qui ne peuvent y exploiter le pétrole découvert ?


M. H. : L’exploitation du pétrole somalien n’est pas leur objectif prioritaire. Les Etats-Unis savent que les réserves sont là et n’en ont pas besoin dans l’immédiat. Deux éléments sont beaucoup plus importants dans leur stratégie. Tout d’abord, empêcher les compétiteurs de négocier avantageusement avec un Etat somalien riche et puissant. Vous parlez du Soudan, la comparaison est intéressante. Le pétrole que des compagnies pétrolières y ont découvert il y a trente ans, le Soudan le vend aujourd’hui aux Chinois. La même chose pourrait se produire en Somalie. Lorsqu’il était président du gouvernement de transition, Abdullah Yusuf s’était d’ailleurs rendu en Chine, bien qu’il fût soutenu par les Etats-Unis. Les médias US avaient vivement critiqué cette visite. Le fait est que les Etats-Unis n’ont aucune garantie sur ce point : si un gouvernement somalien voit le jour demain, peu importe sa couleur politique, il pourrait très bien adopter une stratégie indépendante des Etats-Unis et commercer avec la Chine. Les impérialistes occidentaux ne veulent donc pas d’un Etat somalien fort et uni. Le deuxième objectif poursuivi par cette théorie du chaos est lié à la situation géographique de la Somalie, qui est stratégique pour les impérialistes des Etats-Unis et de l’Europe réunis.


Stratégique pourquoi ?


M. H. : Le contrôle de l’Océan Indien, regardez la carte. Comme je l’ai dit, les puissances occidentales portent une lourde part de responsabilité dans le développement de la piraterie en Somalie. Mais plutôt que de dire la vérité et payer des compensations pour ce qu’elles ont fait, ces puissances criminalisent le phénomène afin de justifier leurs positions dans la région. Sous prétexte de combattre la piraterie, l’Otan positionne sa marine militaire dans l’Océan Indien.


Le véritable objectif ?


M. H. : Contrôler le développement économique des puissances émergentes, principalement l’Inde et la Chine. En effet, la moitié de la flotte mondiale des porte-conteneurs et 70 % du trafic total des produits pétroliers passent par l’Océan Indien. De ce point de vue stratégique, la Somalie occupe une place importante : le pays a la plus vaste côte d’Afrique (3 300 kilomètres) et fait face au Golfe Arabe et au détroit d’Hormuz, deux centres névralgiques de l’économie de la région. De plus, si une réponse pacifique était apportée au problème somalien, les relations entre l’Afrique, d’une part, et l’Inde et la Chine, d’autre part, pourraient se développer à travers l’Océan Indien. Ces concurrents des Etats-Unis pourraient alors avoir de l’influence dans cette région de l’Afrique. Le Mozambique, le Kenya, Madagascar, la Tanzanie, Zanzibar, l’Afrique du Sud… Tous ces pays connectés à l’Océan Indien pourraient avoir un accès facile au marché asiatique et développer des relations économiques fructueuses. Nelson Mandela, lorsqu’il était président de l’Afrique du Sud, avait d’ailleurs évoqué la nécessité d’une révolution de l’Océan Indien avec de nouvelles relations économiques. Ce projet, les Etats-Unis et l’Europe n’en veulent pas. C’est pourquoi ils préfèrent maintenir la Somalie dans le chaos. Vous dites que les Etats-Unis ne veulent pas d’une réconciliation en Somalie.


Mais quelles sont les origines des divisions somaliennes?



M. H. : Pour bien comprendre cette situation chaotique, nous devons remonter plus loin dans l’histoire de la Somalie. Ce pays a été divisé par les forces coloniales. En 1959, la Somalie devient indépendante par la fusion des colonies italienne au Sud et britannique au Nord. Mais des Somaliens vivent également dans certaines parties du Kenya, d’Ethiopie et de Djibouti. Le nouvel Etat somalien adopte d’ailleurs comme drapeau une étoile, dont chaque branche représente une des parties de la Somalie historique. Le message derrière ce symbole étant : «Deux Somalies ont été réunies mais il en reste trois colonisées». Devant la légitimité de ces revendications, les Britanniques - qui contrôlaient le Kenya - organisèrent un référendum dans la région de ce pays revendiquée par la Somalie. 87 % de la population, provenant essentiellement d’ethnies somaliennes, se prononcèrent pour l’unité de la Somalie. Mais lorsque les résultats furent publiés, Jomo Kenyatta, leader d’un mouvement nationaliste kenyan, menaça les Britanniques d’expulser les colons s’ils cédaient une partie du territoire à la Somalie. La Grande-Bretagne décida donc de ne pas tenir compte du référendum et aujourd’hui encore, une importante communauté de Somalis vit au Kenya. Il faut bien comprendre que ces frontières coloniales ont été une véritable catastrophe pour la Somalie. Cette question avait d’ailleurs fait l’objet d’un débat important sur le continent africain.


Quel était l’enjeu de ce débat ?


M. H. : Dans les années soixante, alors que de nombreux pays africains étaient devenus indépendants, un débat opposa ceux qu’on appelait les groupes de Monrovia et de Casablanca. Ce dernier, comportant entre autres le Maroc et la Somalie, souhaitait qu’on rediscute les frontières héritées du colonialisme. Elles n’avaient aucune légitimité à leurs yeux. Mais la plupart des pays africains et leurs frontières sont le produit du colonialisme. Finalement, l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), ancêtre de l’actuelle Union Africaine, mit un terme au débat en décrétant que les frontières sont indiscutables : revenir sur ces délimitations provoquerait des guerres civiles partout sur le continent. Plus tard, l’un des architectes de l’OUA, le Tanzanien Julius Nyerere, confessa que cette décision était la meilleure mais qu’il la regrettait pour le cas somalien.


Quel sera l’impact de ces divisions coloniales sur la Somalie?


M. H. : Elles vont créer des tensions avec les pays voisins. Durant ces années où la Somalie réclamait la révision des frontières, l’Ethiopie était devenue un bastion de l’impérialisme des Etats-Unis, qui tenaient également des bases militaires au Kenya et en Erythrée. C’est alors que la Somalie, jeune démocratie pastorale, émit le désir de bâtir sa propre armée. Le but était de ne pas être trop faible face aux voisins armés, de soutenir les mouvements somalis en Ethiopie voire même de récupérer par la force certains territoires. Mais les puissances occidentales s’opposèrent à la création d’une armée somalienne. Donc, la Somalie entretenait des relations tendues avec ses voisins.


N’était-il pas raisonnable de s’opposer à ce projet d’armée somalienne ? Cela aurait provoqué des guerres, non ?


M. H. : Ce qui préoccupait l’Occident, ce n’était pas les conflits entre pays africains mais ses propres intérêts. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne équipaient et formaient des militaires en Ethiopie, au Kenya et en Erythrée. Des pays qui vivaient encore sous le joug de systèmes féodaux très oppressifs. Mais c’était des régimes néocoloniaux dévoués aux intérêts des Occidentaux. En Somalie, par contre, le pouvoir en place était plus démocratique et indépendant. L’Occident n’avait donc pas d’intérêt à armer un pays qui pouvait échapper à son contrôle. En conséquence, la Somalie décida de se tourner vers l’Union Soviétique. Cela inquiéta hautement les puissances occidentales qui redoutaient que l’influence de l’URSS s’étende en Afrique. Ces craintes vont s’accentuer avec le coup d’Etat de 1969.


C’est-à-dire ?


M. H. : Des idées socialistes s’étaient répandues dans le pays. En effet, une importante communauté somalienne vivait à Aden dans le Sud du Yémen. Or, c’est dans cette ville que la Grande-Bretagne avait pris pour habitude d’envoyer en exil toutes les personnes qu’elle considérait comme dangereuses en Inde : communistes, nationalistes, etc. Ils étaient tous arrêtés et envoyés à Aden où se développèrent rapidement des idées nationalistes et révolutionnaires qui affecteront plus tard les Yéménites mais aussi les Somaliens. Sous l’impulsion de civils aux idées marxistes, un coup d’Etat fut organisé en 1969 par les militaires et Siad Barré prit le pouvoir en Somalie.


Quelles étaient les raisons de ce coup d’Etat ?


M. H. : Le gouvernement somalien était corrompu. Il avait pourtant tous les ingrédients en mains pour ériger le pays au rang de grande puissance de la région : une position stratégique, une seule langue, une seule religion et d’autres éléments culturels communs. Ce qui est plutôt rare en Afrique. Mais en ratant le développement économique du pays, ce gouvernement a créé un climat favorable à la division entre clans. Sous prétexte de faire de la politique, les élites somaliennes se sont divisées, chacune créant son parti sans véritable programme et en recrutant son électorat selon les clans existants. Cela accentua les divisions et se révéla totalement inefficace. Une démocratie de type libéral n’était en fait pas adaptée à la Somalie : il y avait à un moment 63 partis politiques pour un pays de trois millions d’habitants ! Et le gouvernement n’était même pas capable d’adopter une écriture officielle, ce qui créait de sérieux problèmes dans l’administration. Le niveau d’éducation était faible. On établit malgré tout une bureaucratie, une police et une armée.


Qui va d’ailleurs jouer un rôle fondamental dans le coup d’Etat progressiste. « Progressiste » ! Avec l’armée ?


M. H. : L’armée était la seule institution organisée en Somalie. En tant qu’appareil de répression, elle était supposée protéger le soi-disant gouvernement civil et l’élite. Mais pour de nombreux Somaliens provenant de familles et de régions différentes, l’armée était aussi un lieu de rencontres et d’échanges où il n’y avait pas frontières, pas de tribalisme, pas de divisions claniques… C’est comme cela que les idées marxistes héritées d’Aden vont circuler au sein de l’armée. Le coup d’Etat sera donc mené par des officiers qui étaient avant tout nationalistes et qui, sans avoir de très bonnes connaissances du socialisme, éprouvaient de la sympathie pour ces idées. De plus, ils étaient au courant de ce qui se passait au Vietnam et nourrissaient des sentiments anti-impérialistes. Les civils qui connaissaient bien Marx et Lénine mais qui n’avaient pas de parti politique de masse, appuyèrent le coup d’Etat et devinrent les conseillers des officiers lorsque ceux-ci prirent le pouvoir.


Quel changement apporta le coup d’Etat en Somalie?


M. H. : Un aspect positif important : le nouveau gouvernement adopta rapidement une écriture officielle. De plus, l’Union Soviétique et la Chine aidaient la Somalie. Les étudiants et la population se mobilisaient. L’éducation ainsi que les conditions sociales s’améliorèrent. Les années qui ont suivi le coup d’Etat furent ainsi les meilleures que la Somalie n’ait jamais connues. Jusqu’en 1977.


Qu’est-ce qui a changé ?


M. H. : La Somalie, qui avait été divisée par les puissances coloniales, attaqua l’Ethiopie pour récupérer le territoire de l’Ogaden, majoritairement peuplé de Somalis. A cette époque pourtant, l’Ethiopie était elle-même un Etat socialiste soutenu par les Soviétiques. Ce pays avait été longtemps dirigé par l’empereur Sélassié. Mais durant les années soixante-dix, la mobilisation était forte pour le renverser. Les mouvements d’étudiants - auxquels j’ai personnellement participé - posaient quatre revendications majeures. Tout d’abord, résoudre les tensions avec l’Erythrée de manière pacifique et démocratique. Deuxièmement, établir une réforme agraire qui distribuerait des terres aux paysans. Troisièmement, établir le principe d’égalité des nationalités : l’Ethiopie était alors un pays multinational dirigé par une élite non représentative de la diversité. Quatrièmement, abolir le système féodal et établir un Etat démocratique. Tout comme en Somalie, l’armée était la seule institution organisée en Ethiopie et les civils s’associèrent aux officiers pour renverser Sélassié en 1974.


Comment se fait-il que deux Etats socialistes soutenus par l’Union Soviétique se soient fait la guerre ?


M. H. : Après la révolution éthiopienne, une délégation regroupant l’Union Soviétique, Cuba et le Yémen du Sud organisa une table ronde en présence de l’Ethiopie et de la Somalie en vue de résoudre leur différend. Castro se rendit à Adis Abeba et à Mogadiscio. Selon lui, les revendications somaliennes étaient tout à fait justifiées. Finalement, la délégation éthiopienne accepta d’étudier sérieusement la demande de son voisin somalien et les deux pays signèrent un accord stipulant qu’aucun acte de provocation ne serait commis le temps de prendre une décision. Les choses semblaient donc bien parties, mais la Somalie ne respecta pas cet accord… Deux jours après que la délégation éthiopienne soit retournée au pays, Henry Kissinger, ancien ministre du président Nixon, débarqua à Mogadiscio. Kissinger représentait une organisation officieuse : le Safari Club qui regroupait notamment l’Iran du Chah, le Congo de Mobutu, l’Arabie Saoudite, le Maroc ainsi que les services secrets français et pakistanais. L’objectif de cette organisation était de combattre la prétendue infiltration soviétique dans le Golfe et en Afrique. Sous les pressions et les promesses d’aides du Safari Club, Siad Barré va commettre un désastre, une grave erreur stratégique: attaquer l’Ethiopie.


Quelles seront les conséquences de cette guerre ?


M. H. : Les Soviétiques quittèrent la région et la Somalie, toujours présidée par Siad Barré, intégra le réseau néocolonial des puissances impérialistes. Le pays avait été sérieusement endommagé par le conflit et la Banque Mondiale et le FMI furent chargés de le « reconstruire ». Ceci allait aggraver les contradictions au sein de la bourgeoisie somalienne. Chacune des élites régionales voulant posséder son propre marché. Elles ont accentué les divisions entre clans et contribué à la dislocation progressive du pays jusqu’à la chute de Siad Barré en 1990. Depuis, aucun chef d’Etat ne lui a succédé. Mais, trente ans après la guerre de l’Ogaden, le scénario va s’inverser : l’Ethiopie sera appuyée par les Etats-Unis pour attaquer la Somalie... M. H. : Oui, comme je l’ai dit, depuis l’échec de l’Opération Restore Hope, les Etats-Unis préfèrent maintenir la Somalie dans le chaos. Cependant, en 2006, un mouvement spontané se développa sous la bannière des tribunaux islamiques pour combattre les seigneurs de guerre locaux et ramener l’unité dans le pays. C’était une sorte d’intifada. Pour empêcher ce mouvement de reconstruire la Somalie, les Etats-Unis décidèrent brusquement de soutenir le gouvernement de transition somalien qu’ils n’avaient jamais voulu reconnaître. En fait, ils se rendirent compte que leur projet d’une Somalie sans Etat effectif n’était plus possible et qu’un mouvement était sur le point d’aboutir à une réconciliation du pays, islamique qui plus est ! Dans le but de saboter l’unité somalienne, ils décidèrent donc d’appuyer ce gouvernement de transition. Mais comme celui-ci ne disposait ni d’une base sociale, ni d’une armée, ce furent les troupes éthiopiennes commandées par Washington qui attaquèrent Mogadiscio pour faire tomber les tribunaux islamiques.


Ça a marché ?


M. H. : Non, l’armée éthiopienne a été défaite et a dû quitter la Somalie. De leurs côtés, les tribunaux islamiques se sont dispersés en divers mouvements qui, aujourd’hui encore, contrôlent une bonne partie du pays. Quant au gouvernement de transition d’Abdullah Yussuf, il s’est effondré et les Etats-Unis l’ont remplacé par Sheik Sharrif, l’ancien porte-parole des tribunaux islamiques.


Sheik Sharrif est donc passé dans « l’autre camp » ?


M. H. : Il occupait la fonction de porte-parole des tribunaux islamiques, car c’est un bon orateur. Mais il n’a pas de connaissances politiques. Il n’a aucune idée de ce qu’est l’impérialisme ou le nationalisme. C’est pour ça que les puissances occidentales l’ont récupéré. C’était le maillon faible des tribunaux islamiques. Il préside aujourd’hui un faux gouvernement, créé à Djibouti. Qui n’a aucune base sociale ni autorité en Somalie. Il existe seulement sur la scène internationale parce que les puissances impérialistes le soutiennent. En Afghanistan, les Etats-Unis se disent prêts à négocier avec des talibans.


Pourquoi ne cherchent-ils pas à dialoguer avec les groupes islamiques en Somalie ?


M. H. : Parce que ces groupes veulent renverser l’occupant étranger et permettre une réconciliation nationale du peuple somalien. Du coup, les Etats-Unis veulent briser ces groupes, car une réconciliation – que ce soit à travers les mouvements islamiques ou à travers le gouvernement de transition -– n’est pas dans l’intérêt des forces impérialistes. Elles veulent juste le chaos. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, ce chaos s’étend aussi à l’Ethiopie, très faible depuis l’agression de 2007. Un mouvement de résistance nationale y a vu le jour en lutte contre le gouvernement pro-impérialiste d’Addis Abeba. Avec leur théorie du chaos, les Etats-Unis ont en fait créé des problèmes dans toute la région. Et maintenant, ils s’en prennent à l’Erythrée.


Pourquoi ?


M. H. : Ce petit pays mène une politique nationale indépendante. L’Erythrée a aussi une vision pour toute la région : la corne de l’Afrique (Somalie, Djibouti, Ethiopie, Erythrée) n’a pas besoin de l’ingérence des puissances étrangères, ses richesses doivent lui permettre d’établir de nouvelles relations économiques basées sur un respect mutuel. Pour l’Erythrée, cette région doit se prendre en mains et ses membres doivent pouvoir discuter de leurs problèmes. Bien évidemment, cette politique effraie les Etats-Unis qui craignent que d’autres pays suivent cet exemple. Alors, ils accusent l’Erythrée d’envoyer des armes en Somalie et de fomenter des troubles en Ethiopie.


Selon vous, l’Erythrée n’envoie pas d’armes en Somalie ?


M. H. : Pas même une cartouche ! C’est de la pure propagande, comme celle qu’on mena contre la Syrie à propos de la résistance irakienne. La vision de l’Erythrée rejoint le projet de révolution de l’Océan Indien que nous évoquions plus haut. Les puissances occidentales n’en veulent pas et souhaitent ramener l’Erythrée dans le cercle des Etats néocoloniaux sous contrôle, tels que le Kenya, l’Ethiopie ou l‘Ouganda. N’y a-t-il pas de terroristes en Somalie ? M. H. : Les puissances impériales présentent toujours comme terroristes les peuples qui luttent pour leurs droits. Les Irlandais étaient des terroristes jusqu’à ce qu’ils signent un accord. Abbas était un terroriste. Maintenant, c’est un ami.


On parle pourtant d’une présence d’Al Qaeda ?


M. H. : Al Qaeda est partout, de la Belgique à l’Australie ! Cet Al Qaeda invisible est un logo destiné à justifier auprès de l’opinion publique des opérations militaires. Si les Etats-Unis disaient à leurs citoyens et soldats : « Nous allons envoyer nos troupes dans l’Océan Indien pour éventuellement combattre la Chine », les gens auraient peur bien entendu. Mais s’ils disent qu’il s’agit de combattre des pirates et Al Qaeda, cela ne pose pas de problèmes. En réalité, le véritable objectif est tout autre. Il consiste à installer des forces dans la région de l'Océan Indien qui sera le théâtre de conflits majeurs des années à venir. Première parution de cet article sur: www.michelcollon.info


* Mohamed Hassan est un spécialiste de la géopolitique et du monde arabe. Né à Addis Abeba (Ethiopie), il a participé aux mouvements d’étudiants dans la cadre de la révolution socialiste de 1974 dans son pays. Il a étudié les sciences politiques en Egypte avant de se spécialiser dans l’administration publique à Bruxelles. Diplomate pour son pays d’origine dans les années 1990, il a travaillé à Washington, Pékin et Bruxelles. Co-auteur de L’Irak sous l’occupation (EPO, 2003), il a aussi participé à des ouvrages sur le nationalisme arabe et les mouvements islamiques, et sur le nationalisme flamand. C’est un des meilleurs connaisseurs contemporains du monde arabe et musulman. Lire aussi : L’histoire de l’islamisation en Tanzanie Quand Al-Zawahiri insulte Obama : du radicalisme religieux à la haine raciale.

Source :
http://m.saphirnews.com/Somalie-comment-les-puissances-coloniales-maintiennent-le-pays-dans-le-chaos_a10890.html

Washington tente de voler 1,5M de dollars pour payer ses salariés du CNT

Thierry Meyssan
Réseau Voltaire

Mardi 9 août 2011

Sana Khan, secrétaire du Comité des sanctions mis en place par la résolution 1970 du Conseil de sécurité, a transmis aux membres du Comité un avis émanant de l'ambassadrice Susan Rice, représentante permanente des États-Unis à l'ONU.

Dans cette missive, dont le Réseau Voltaire s'est procuré une copie [document téléchargeable au bas de cette page], Washington informe le Comité de son intention de dégeler 1 500 000 000 de dollars appartenant à la Banque centrale de Libye, à l'Autorité libyenne d'investissement, à la Banque étrangère de Libye, au Portefeuille d'investissement libyen en Afrique et à la Compagnie nationale libyenne du pétrole.

Arguant que ce dégel est légal lorsque les fonds sont destinés à des fins humanitaires ou civiles (article 19 de la Résolution 1970 [1]), Washington indique qu'il affectera unilatéralement cette somme comme suit :

500 000 000 de dollars à des organisations humanitaires de son choix « pour répondre aux besoins humanitaires actuels et à ceux que l'on peut anticiper, dans la ligne de l'appel des Nations Unies et de ses mises à jour prévisibles » ;

500 000 000 de dollars à « des sociétés d'approvisionnement en fuel et en biens humanitaires nécessaires » ;

500 000 000 de dollars au Temporary Financial Mechanism (TFM) pour « payer les salaires et les dépenses de fonctionnement des fonctionnaires libyens, des dépenses alimentaires, de l'électricité et d'autres achats humanitaires ». Sur cette somme, 100 000 000 de dollars seront provisionnées afin d'être ultérieurement affectés aux besoins humanitaires des Libyens dans les zones non contrôlées par le Conseil de transition nationale (CNT) lorsque celui-ci aura établi « un mécanisme crédible, transparent et effectif » pour les leur transmettre.

En clair, les États-Unis ont informé le Comité des sanctions de leur intention de s'emparer 1,5 milliard de dollars qu'ils attribueraient pour un tiers à leurs propres services humanitaires (USAID...), pour un second tiers à leurs propres multinationales (Exxon, Halliburton etc.), et pour le restant au TFM, un bureau du LIEM, lequel n'est qu'un organe officieux créé par Washington et avalisé par le Groupe de contact pour administrer la Libye [2].

Washington a fait savoir qu'il considérerait avoir l'accord tacite du Comité des sanctions dans les cinq jours suivant la réception de sa notification.

Malheureusement, la Libye ne pouvait pas s'opposer à ce vol, car elle n'est pas représentée à ce Comité. En effet, son ancien ambassadeur a fait défection, et -en violation de l'Accord de siège- le Département d'État n'a toujours pas délivré de visa à son nouvel ambassadeur.

Washington entendait bien profiter de cette absence forcée pour s'emparer du butin. Au demeurant, la France a déjà ouvert une brèche en volant 128 millions de dollars dans les mêmes conditions.

C'est en définitive le représentant permanent de l'Afrique du Sud, l'ambassadeur Baso Sangqu, qui a fait obstacle à la manœuvre.

Outre la rapacité des États-Unis, cet invraisemblable épisode confirme que l'auto-proclamée « Libye libre » de Benghazi et Misrata n'est pas gouvernée par le Conseil national de transition (CNT). Celui-ci n'est qu'une façade, au demeurant fort lézardée. L'Est de la Libye, contrôlé par l'OTAN, est administré par le Libyan Information Exchange Mechanism (LIEM), un organe informel, sans personnalité juridique, mis en place à Naples par les seuls États-Unis, même si certains de ses employés sont des Italiens.

Les fonds que l'on présente comme attribués au CNT sont en réalités remis au LIEM qui les utilise pour salarier les membres du CNT et leurs fonctionnaires. La différence est de taille : le Conseil national de transition n'a pas de politique propre, il se contente d'exécuter la politique des États-Unis. Et c'est bien normal lorsque l'on sait que le CNT n'a pas été formé lors des événements de Benghazi, mais plusieurs années avant à Londres comme un gouvernement provisoire en exil.

Par conséquent, l'action militaire des États-Unis et de leurs alliés de l'OTAN ou du Conseil de coopération du Golfe n'a pas pour objectif de mettre en œuvre la protection des civils prévue par la résolution 1973, et encore moins la « libération des Libyens », mais bien la colonisation du pays.


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[1] « Résolution 1970 sur la Libye », Réseau Voltaire, 26 février 2011.


[2] « Libye : Washington prépare sa revanche », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 21 juillet 2011.



dimanche 17 juillet 2011

Sarkozy- Takieddine: un secret à 350 millions d'euros

Il s'agit de l'un des secrets les mieux gardés du clan Sarkozy. L'homme d'affaires Ziad Takieddine, principal suspect dans le volet financier de l'affaire Karachi, devait toucher en 2003 des commissions occultes d'un montant de 350 millions d'euros dans le cadre d'un marché d'armement avec l'Arabie saoudite, selon des documents comptables et des notes obtenus par Mediapart. Les fonds devaient être versés, sous l'autorité de Nicolas Sarkozy, via une société contrôlée par le ministère de l'intérieur.

Estimé à 7 milliards d'euros, le contrat «Saudi Border Guards Developpment Project», nom de code Miksa, avait pour objectif de sécuriser les frontières d'Arabie saoudite. Une première tranche de ce marché a finalement été obtenue par EADS en juillet 2009. Dans sa version initiale, il comportait la livraison d'hélicoptères, d'avions, de radars, de systèmes de communication ultra-sophistiqués...Des notes adressées par Ziad Takieddine au cabinet Sarkozy en 2003 et 2004 attestent que l'homme d'affaires était devenu l'architecte en chef de ce marché pour le ministre de l'intérieur. En 2003, précisément à cette période, les proches de Nicolas Sarkozy, au premier rang desquels Brice Hortefeux, alors député européen et membre du cabinet du ministre, sont invités à grands frais par le marchand d'armes sur son yacht La Diva et dans sa villa du cap d'Antibes, comme le prouvent des photographies publiées par Mediapart dimanche 10 juillet.

La signature par Nicolas Sarkozy de ce contrat d'armement mirifique a été empêchée in extremis, en 2004, par Jacques Chirac, dont l'entourage évoquait l'existence d'un montage visant à financer le camp sarkozyste. Un scénario que confirme aujourd'hui à Mediapart un ancien haut responsable de l'armement français. Des soupçons de financement politique occulte valent aujourd'hui à Ziad Takieddine d'être dans le collimateur de la justice concernant la vente de sous-marins Agosta au Pakistan et de frégates Sawari 2 à l'Arabie saoudite, ventes conclues sous le gouvernement Balladur, fin 1994. Le contrat Miksa, établi dans une première version en 1993, alors que Charles Pasqua est à l'intérieur, devient une priorité de Nicolas Sarkozy dès son arrivée à la tête de ce ministère, en 2002. Le futur président de la République écrit en ce sens, dès le 8 juillet 2002, une lettre à son homologue saoudien le prince Nayef.


En voici un extrait:

«Connaissant l'importance pour les autorités saoudiennes du contrôle des frontières du royaume, je tenais à confirmer à votre Altesse Royale, l'intérêt du gouvernement français pour la réalisation du projet Saudi Border Guard Defence Program et à lui confirmer que celui-ci apportera sa garantie à la bonne exécution du contrat qui doit être signé entre le groupe Thalès, maître d'œuvre industriel, et le gouvernement saoudien. Le contrôle de la bonne exécution de ce contrat sera assuré par la société Civipol conseil, société de service et de conseil du ministère français de l'Intérieur. Je propose à votre Altesse Royale de signer avec Elle dès qu'Elle le souhaitera l'accord de coopération préparé par nos services».

Le contrat suivi par le cabinet du ministre de l'intérieur – Claude Guéant, Brice Hortefeux, et David Martinon, son conseiller diplomatique – n'est pas signé si facilement. En effet, la décision saoudienne nécessite, outre l'accord du prince Nayef, l'assentiment du futur roi Abdallah, alors le régent du royaume. Ziad Takieddine entre dans la danse à l'automne 2003. Selon ses notes en notre possession, l'homme d'affaires rend compte à Claude Guéant et Brice Hortefeux et les accompagne sur place. Il définit les orientations de négociation et les éléments de langage des membres du cabinet Sarkozy, donne lui-même des directives et joue le rôle de courrier entre les dignitaires saoudiens et Nicolas Sarkozy.

Initiales «BH»...

Une première note du 16 octobre 2003, titrée « Elaboration de la Proposition technique et financière», évoque une visite de Brice Hortefeux, qui apparaît sous les initiales «BH», effectuée deux jours plus tôt auprès du ministre saoudien.

«Conformément à la volonté exprimée à plusieurs reprises par les responsables Saoudiens, et dernièrement confirmée avec force par SAR le Prince Nayef à BH le 14 octobre à Riyad, devoir ce contrat traité de "Gouvernement à Gouvernement", il serait indispensable à ce stade des négociations, que la Société maître d'œuvre de ce contrat (Thalès, ndlr) cesse tout contact avec le Ministère de l'Intérieur Saoudien, directement ou indirectement, à travers sa filiale dans le pays, pour plus d'efficacité».

Selon M. Takieddine, le prince Nayef «ne voit aucun inconvénient à traiter avec l'un ou les industriels choisis par le Ministère de l'Intérieur français», «à condition que ça se passe sous la surveillance du Ministère». L'homme d'affaires propose alors une «feuille de route» liée à une prochaine visite de Nicolas Sarkozy à Riyad.

«Force est de constater aujourd'hui, à la vue des contacts établis dans le but de préparer la visite du Ministre au Royaume, que le contrat est loin d'être prêt pour la signature par le Ministre lors de sa visite. Les propositions financières reçues le 30 septembre 2003 (4 jours avant la visite du Ministre, initialement programmée le 4 ou 5 octobre) ne correspondaient en rien aux demandes répétées des autorités Saoudiennes».


Les notes Takieddine sur le contrat Miksa

L'objectif de M. Takieddine et du cabinet Sarkozy est clair: faire du ministre de l'intérieur et de Civipol, la société de ventes d'armes de la place Beauvau, les signataires du contrat. A charge ensuite pour Civipol de prendre des accords avec Thalès. Des échéanciers de paiement sont couchés noir sur blanc. «Cet échéancier est similaire à celui utilisé pour le contrat "S" signé en novembre 1994», précise M. Takieddine dans sa note. Le contrat «S» n'est autre que celui de Sawari 2, le lucratif contrat des frégates vendues à l'Arabie dix ans plus tôt, actuellement dans le collimateur du juge Van Ruymbeke...

Plus le temps passe, plus le caractère «sensible» du contrat Miksa se fait jour sous la plume de Ziad Takieddine. Le 29 octobre 2003, l'homme d'affaires effectue par exemple un nouveau voyage secret. Dans son «compte rendu» de visite, M. Takieddine évoque les risques que font peser les dissensions politiques internes à la majorité, en France, sur le contrat. Il mentionne ainsi les relations houleuses entre «le patron», Nicolas Sarkozy, et «le numéro 1», Jacques Chirac.




«Il y a eu beaucoup d'interrogations sur les relations du "patron" avec le numéro 1, et son système. Mes interlocuteurs ne souhaitent en aucune façon intervenir dans cette "bagarre" franco-française, et solliciteront des garanties personnelles de la part du "patron" lui-même».

Une mystérieuse «banque d'affaires du P».

Ziad Takieddine signale ensuite «les décisions suivantes prises par le patron». De quoi renforcer les soupçons sur les arrière-plans politico-financiers du projet Miksa:

«L'ancien système a été abandonné. Une nouvelle structure, complètement dépendante de son Ministère, a été créée pour assurer le rôle de Conseil sur le Projet. Celle-ci sera capable de couvrir le sujet "sensible" par le biais de ses honoraires».


La société du ministère de l'intérieur, Civipol, aurait ainsi pour mission d'opérer le paiement des commissions. Explication de M. Takieddine: la société Thalès, présentée comme «la société commerciale T., devenue privée», ne pourrait quant à elle «en aucune manière assurer cette couverture» en raison des «règles internationales en la matière». Il s'agit en l'occurrence des dispositions anti-corruption de l'OCDE, intégrées dans le droit français en septembre 2000.

«Elle (Thalès) sera bien évidemment informée des exigences de la Société Conseil, dépendant directement du Ministère, sans donner d'autres explications ou détails que son besoin de conclure des "accords de conseils extérieurs" utiles pour la réalisation du Contrat», poursuit la note. Ziad Takieddine et ses amis souhaitent autant que possible écarter Thalès, qu'ils estiment «en contradiction avec le Système voulu». Elle ne devra en aucune manière jouer un quelconque autre rôle, ni être mise au courant des détails (nom des personnes, etc.), ni les rencontrer. Il est alors question d'une mystérieuse «banque d'affaires du P.», de «couverture/parapluie», de «Système»... Un champ lexical qui paraît pour le moins incongru s'agissant d'un contrat censé être signé d'Etat à Etat.

«Il sera utile lors de la prochaine visite de préparation ultime de confirmer la signature avec la Société, représentée par la Banque d'Affaires du P., du contrat en votre possession suivant le schéma approuvé», peut-on ainsi lire dans cette même note du 29 octobre 2003.

«Mes interlocuteurs représentent la "couverture/parapluie" sur place. Cette coordination est indispensable pour permettre une "assurance" de résultat. "Ils" ne sont pas près d'oublier ce qui s'est passé avec le même Système la fois passée. D'où leurs exigences...»

Une autre visite préparatoire est prévue sur place. Le 3 novembre 2003, Ziad Takieddine en définit les contours dans une nouvelle note.

Selon lui, «la visite préparatoire est d'une extrême importance (plus importante que la visite officielle)». Aussi «le dir cab» (il s'agit alors de Claude Guéant) doit-il récupérer «des notes des services» et des documents de l'ancien office d'armement du ministère, la Sofremi. M. Takieddine évoque aussi «une signature d'un contrat (5%) avant la "grande" visite. (Intervention du Dircab nécessaire)». Il s'avère que les 5% évoqués représentent le montant des commissions occultes consenties par la place Beauvau à Ziad Takieddine sur ce marché, comme l'atteste un échéancier comptable (ci-dessous) adossé à un projet de contrat entre le ministère de l'intérieur – Civipol et une société offshore domiciliée à Gibraltar, la Blue Planet Limited. Au final, le montant des commissions s'élève à 350 millions d'euros.


Documents: http://www.scribd.com/doc/60097980/Blue-Planet

«La visite doit revêtir un caractère secret»

Parallèlement, selon nos documents, Blue Planet Limited doit également signer avec Thalisa – filiale de Thalès en Arabie saoudite – un contrat lui assurant 5% supplémentaires sur ce marché. Une redistribution est prévue vers Theobald Limited, enregistrées aux îles Vierges britanniques, puis vers Pulikao Limited et Doniver Limited, enregistrées aux Bahamas.

Les notes Takieddine sur le contrat Miksa
La nature explosive de la situation ne fait guère de doute à la lecture de la note Takieddine du 3 novembre 2003. Ses recommandations visent notamment à sécuriser une visite de Brice Hortefeux ­– «B» – en Arabie saoudite.

«La visite préparatoire est inhabituelle. Elle doit revêtir un caractère secret. Ni le Cabinet, ni le Conseiller diplomatique ne doivent être au courant, pour cause évidente de fuites...», observe l'homme d'affaires. Qui poursuit: «Pour cette raison, il sera préférable que B. se déplace seul, et que le déplacement s'effectue "sans fanfare": avion de Ligne de Genève ou Zurich. Dans l'intérêt d'une signature sans "interférences", il est indispensable que tout le monde soit pris par surprise par cette signature. L'autre avantage : plus d'aise pour évoquer l'autre sujet important, de la manière la plus directe...» La peur des interférences en dit long sur le véritable «sujet important» qui doit être évoqué:

«Les "bruits" entourant la "visite" nous conduisent à faire les réflexions suivantes: Cette visite n'est pas souhaitée par le "Quai". Elle aura lieu malgré le manque d'enthousiasme et le peu d'intérêt manifestés par l'ambassadeur de France, et du Conseiller Diplomatique. Il serait souhaitable, pour la réussite de celle-ci, d'éviter de provoquer une réaction de leur part – agissant sur ordres – qui risque de "transformer" leur attitude en "hostilité", allant peut-être jusqu'à l'annulation de la visite pour des raisons diverses. Un "secret défense" absolu devra donc accompagner les préparations parallèles:

- Il n'est pas coutume que le "conseiller" aille préparer. C'est le rôle de l'Ambassadeur sur place. Il faut lui laisser le soin, avec le Cabinet, via le conseiller diplomatique, de préparer le côté "officiel" de la visite. Et ainsi "rassurer" leurs "supérieurs" du "contenu vide", et protocolaire de la chose, en plaçant la visite sous les thèmes de la coordination de la lutte internationale contre le terrorisme, et les musulmans de France, etc.

- Il ne faut jamais donner l'impression qu'un "accès" vers les "dirigeants" du pays soit possible, autre que par les voies officielles. Sinon, la "suspicion" et les rumeurs prendraient le dessus pour déclencher "les hostilités", etc.

- Il est indispensable que le volet "commercial" de la visite ne soit pas mis en avant par les préparatifs officiels. Seulement comme un point important dans le cadre des "échanges" entre les deux pays dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, etc. Il est, bien sûr, tout a fait normal que le Ministre évoque le sujet "commercial", comme ses prédécesseurs d'ailleurs, mais il faut éviter que cette visite soit placée sur ce thème - très dangereux au niveau franco-français.»

Contacté par Mediapart, Brice Hortefeux a confirmé ses déplacements dans le royaume et avoir été en relation «sur ce dossier» avec Ziad Takieddine, «qui avait des contacts avec les autorités du pays». En revanche, il a contesté avoir été informé d'un montant de 350 millions d'euros de commissions susceptibles d'être versées par le ministère de l'intérieur à M. Takieddine. «Cette somme, vous me l'apprenez», a-t-il assuré. Questionné également, le président de Civipol, le préfet Alain Rondepierre, en place depuis 2003, nous a répondu qu'il était «tenu par des obligations de réserve», et n'avait «pas envie d'aborder ces questions».

Les silences de l'Elysée et de l'intérieur

Le 12 décembre 2003, ayant acquis la conviction que le contrat Miksa piloté par la place Beauvau masquait d'inavouables arrière-pensées, l'Elysée ordonne à Nicolas Sarkozy d'annuler son voyage prévu en Arabie saoudite, où il s'apprêtait à signer une version définitive du marché. Pire: Jacques Chirac a contraint le ministre de l'intérieur à se dessaisir du dossier. C'est Michel Mazens, patron d'un autre office d'armement dédié aux ventes d'armes avec l'Arabie saoudite, la Sofresa, qui apporte cette mauvaise nouvelle au clan Sarkozy. Ce haut responsable de l'armement, déjà au cœur des querelles liées aux marchés Sawari 2 et Agosta, rencontre Claude Guéant.

«Jacques Chirac avait peur que Sarkozy s'empare de Miksa, confirme Michel Mazens à Mediapart. Je ne connaissais pas les motivations cachées du ministère, mais le président Chirac y voyait un danger lié au financement de la présidentielle de 2007. Sur ordre du président de la République, je suis allé prendre connaissance du dossier, dans le bureau de Claude Guéant, plusieurs samedis consécutifs. Ma conviction était que le ministère de l'intérieur n'avait pas les compétences industrielles pour négocier un tel contrat».

Les contrats secrets de commissions ne sont pas présentés à l'envoyé du président. Ziad Takieddine rapporte deux réunions de Claude Guéant, l'une, le 8 janvier 2004, avec Jean-Paul Perrier de Thalès, l'autre, le 9 janvier 2004, avec Michel Mazens.




Il écrit ainsi:
«Tout ceci a jeté un trouble sur les "accords" passés avec l'Arabie Saoudite à travers les contacts directs avec le prince Nayef. Ceux-ci ont besoin d'être confirmés. (...) Le paiement des commissions également. Le jeu de la Sofresa a certainement contribué à créer une atmosphère de doute sur la volonté de respecter ses engagements, notamment ceux qui ont été pris entre les deux ministres à travers les contacts directs établis depuis le mois de septembre».

A la suite de l'oukase chiraquien, plusieurs messages confidentiels seront échangés, début 2004, entre le prince Nayef et Nicolas Sarkozy. Ziad Takieddine s'occupe de les transmettre. Ainsi, le 25 janvier 2004, le marchand d'armes rédige une note intitulée «Messages du prince Nayef Ben Abdel Aziz. A transmettre à Monsieur Nicolas Sarkozy». Le prince saoudien dit maintenir toute sa confiance à l'égard du ministre de l'intérieur pourtant fraîchement désavoué par l'Elysée: «Très informé de l'actualité politique en France, le Prince mesure parfaitement le rôle que joue le Ministre, et si vous me le permettez, Monsieur le Ministre, le rôle que vous jouerez à l'avenir

«A ce titre, poursuit le message, le prince Nayef souhaite vous confirmer que le contrat industriel sera signé avec vous et vous seul. Il m'a demandé également de vous confirmer qu'au-delà de ce contrat, il tient à entretenir des relations à long terme avec vous (...) Le Prince Nayef apprécie le contact direct établi, ainsi que la qualité du dialogue avec vos émissaires. Ceci, pour la première fois, a permis de résoudre beaucoup de problèmes et d'incompréhensions

Une semaine plus tard, le 1erfévrier, une note de Ziad Takieddine fait état d'une «conversation téléphonique» de Nicolas Sarkozy avec le prince Nayef. Le premier au second: «Je voudrais vous transmettre également, encore une fois, mes excuses pour le report de ma visite au Royaume et vous confirmer que nous avons pu utiliser ce temps pour arriver aux solutions, qui répondent à vos souhaits exprimés, dans l'intérêt de nos deux pays.»

«J'ai appris, poursuit M. Sarkozy, que vous avez l'intention d'effectuer un séjour en dehors du Royaume prochainement. J'espère que j'aurai l'opportunité de vous visiter à titre privé lors de ce séjour, pour vous saluer et vous mettre au courant des derniers développements

Contactés, ni l'Elysée ni le ministère de l'intérieur n'ont donné suite à nos sollicitations.

Sources:

1. Mediapart: Les documents Takieddine. Sarkozy- Takieddine: un secret à 350 millions d'euros


2. http://www.cameroonvoice.com/news/news.rcv?id=4174

mercredi 6 juillet 2011

Lettre Ouverte d'un Africain au Président Américain Barack Obama sur sa guerre en Libye

Monsieur le Président,

C’est le cœur saignant de douleur que je vous écris cette lettre pour vous prier de bien vouloir écouter le message que la Chambre des Représentants Américaine vous a envoyé hier 24/06/2011 en rejetant le texte autorisant l'intervention militaire des Etats-Unis en Libye, et de mettre fin à l’agression en cours contre le peuple Libyen avec les prétextes des plus extravagants comme celui de dire que c'est pour les protéger.

Il y a 3 ans que vous avez enflammé tout un continent, le continent africain durant les primaires des élections présidentielles du parti démocrate. Et lorsque vous avez été élu président, nous avons cru voir en vous, ce fils d'Afrique qui avait réussi et qui pouvait désormais servir de référence pour 1 milliard d’Africains, vous sembliez ce héros que nous n’avons jamais connu, parce que nos héros ne sont devenus des légendes que pour l'émotion suscitée par leur brève vie (tous tués par les Européens). Avec votre élection à la Présidence des Etats-unis d'Amérique, nous avons cru un instant voir ce demi-dieu Noir que l’Afrique se cherche encore après tant d'années de honte au contact de l'Europe.




Oui Monsieur le Président, nous savions bien que vous aviez été voté par les Américains pour faire les intérêts de votre pays, mais que voulez-vous? Penser que vous étiez aussi notre Président, que vous aviez nos gènes, que vous étiez aussi notre frère Noir est un rêve que nous avons tous fait les yeux bien ouverts. Nous vous avons tous vu comme quelqu'un des nôtres, comme quelqu’un qui était capable de comprendre mieux que tous les autres puissants de la terre, les plaies et les souffrances des Africains.




Nous avons porté vos t-shirts, nous avons entonné votre refrain YES WE CAN, mais dans nos têtes en Afrique, nous lui avions donné une autre signification, c’était l’explication que ce destin qui semblait figé d’une race maudite avait tout d'un coup pris le train, le même train de l'évolution des autres races. CHANGE ! en effet. Dans le plus profond village reculé d’Afrique, nous avons chanté votre nom, parce que vous nous avez donné l’espoir, l’espoir d’un véritable changement. Vous avez donné à la jeunesse africaine l’enthousiasme qu’aucune campagne de sensibilisation n’aurait permis d’atteindre. Lorsque vos adversaires politiques vous attaquaient sur vos actions, nous étions dans l'incapacité même de comprendre leurs raisons, les classant tous et de façon expéditive comme des racistes, tellement nous étions fous de vous.

Et puis, ont commencé vos premières maladresses sur l’Afrique que nous avons toujours regardées avec beaucoup de tolérance et d'indulgence. Puis les maladresses se sont progressivement transformées en fautes politiques et puis en humiliation et pour finir en agression pure et simple. La dernière et la plus grave est l’agression contre la Libye.

Lorsque le 20 Janvier 2009 vous avez prêté serment sur la bible de votre illustre prédécesseur : Abraham Lincoln, devenant ainsi le 44ème président des Etats-Unis d’Amérique, ce geste hautement évocateur a symbolisé à nos yeux, l’espoir de la rencontre et de la réconciliation qui n’a jamais eu lieu entre Européens et Africains, entre Blancs et Noirs. Ce jour a marqué pour le peuple américain et pour le peuple africain, liés par un passé douloureux, l’espoir d’un début de fraternité basée sur une relation de respect mutuel, une relation plus juste et apaisée. Tout au moins, c'est ce que nous pensions et espérions.

Mais après plus de 2 ans de votre présidence, la chaleur que vous aviez suscitée dans nos cœurs en Afrique s’est vite transformée en douche froide et le feu de l’espoir que vous aviez su allumer en nous s’est vite éteint par la marée destructive de l'océan de vos bombes contre le peuple africain (120 missiles Cruise en une nuit sur une capitale: Tripoli). Plus nous avons appris à vous connaitre à travers vos actes réels en Côte d’Ivoire et en Libye et plus nous avons peur de vous. Votre politique africaine qui pèche par son arrogance et l'orientation de vous ranger derrière les puissants pour écraser les faibles vous classera dans l'histoire à l’opposé de la voie suivie par le président Abraham Lincoln.

Nous n’attendions pas grand-chose de vous habitués comme nous sommes à porter notre croix sans hurler, sans gémir, sans nous plaindre, mais nous espérions pour le moins, que vous seriez neutre dans la relation Oppresseurs-Opprimés qui sévit encore aujourd’hui entre l’Europe et l’Afrique. A notre surprise, vous avez choisi votre camp, celui de nos oppresseurs. Et vous avez mis en jeu des moyens conséquents pour freiner notre désir d'émancipation, pour étouffer notre élan de liberté.

Mais détrompez-vous Monsieur le Président Obama, parce qu'il y a longtemps que la jeunesse africaine est débout et a compris grâce au monde globalisé, combien votre système avait asservi leurs parents, mais aussi que notre misère, notre souffrance, nos humiliations ne sont pas irrémédiables, ne sont pas inscrites dans le marbre. Car comme l’a dit le président Abraham Lincoln à un visiteur à la Maison Blanche, « Vous pouvez tromper tout le monde un certain temps ; vous pouvez même tromper quelques personnes tout le temps ; mais vous ne pouvez tromper tout le monde tout le temps ». 5 siècles de tromperie de vos alliés sont mis à l’épreuve par l’avènement d’une nouvelle époque de fin de règne de l’oppresseur. Nous nous sommes rendus à l'heure du bilan, à l'épilogue de l’histoire, de Notre histoire commune.

Celle-ci démarre le 16 juin 1452, lorsque le 208ème pape Nicolas V à travers la bulle papale dénommée : Dum diversa, autorise le roi du Portugal Alfonse V à déporter et réduire en esclavage les populations de Guinée (Afrique), c’est le début d’une longue période sombre pour l’Afrique. La découverte de l’Amérique en 1492 va empirer le sort de nos ancêtres avec la multiplication de leurs déportations vers le nouveau monde pendant 4 longs siècles, et ce calvaire durera jusqu’à un homme : ABRAHAM LINCOLN.

Le 1er Janvier 1863, Abraham Lincoln proclame l’émancipation des esclaves pendant la guerre la plus meurtrière des Etats-Unis : Guerre de sécession, avec 620.000 morts suivi de son assassinat en avril 1865. A l'époque, les agriculteurs esclavagistes du Sud sont plus riches que les industriels du nord. Mais en 1880, 15 ans après Lincoln, le taylorisme (travail à la chaine) va changer la donne faisant augmenter de façon exponentielle les profits des usines rendant depuis lors les industriels du Nord plus riches que les agriculteurs du sud, ex-esclavagistes. Ce qui donne des idées à l'Europe jusque là privée de la manne que lui apportait le très lucratif trafic des esclaves. L'Europe doit répondre à une question : comment profiter des avantages des industriels du Nord des Etats-Unis, tout en conservant ceux des esclavagistes du Sud ? La réponse est tout trouvée et s'appellera la COLONISATION DE L'AFRIQUE.

C'est donc pour cela qu'en 1884, le Chancelier Allemand Bismarck, organise pendant 3 mois à Berlin la fameuse conférence de Berlin où 14 pays vont décider comment remettre les chaines de l’esclavage aux Africains, des chaines invisibles qui vont s’appeler : COLONISATION. Et qui signifiait dans les plans de leurs concepteurs, ce même destin de subordination des Africains combattu auparavant par Lincoln. On n’a plus besoin de les déporter, il faut les tenir en esclavage sur place en Afrique pour subvenir aux besoins de la naissante industrie européenne, et relancer l’économie de tout le vieux continent. Et c’est ce long calvaire que nous vivons encore aujourd’hui sous des formes les plus subtiles et imprévisibles.

Avec votre élection, nous avons rêvé un instant que notre frère Barack Hussein Obama allait mettre un point final à cette oppression que subit tout un continent depuis trop longtemps. Mais votre décision à vous joindre au requiem que l’Europe joue pour nous depuis février 1885, c’est-à-dire depuis la fin de la Conférence de Berlin a sonné pour nous le glas de l’espoir d’Obama. Et subitement, le CHANGE de votre campagne présidentielle s’est vite transformé pour nous Africains en CHAINS, en MORE CHAINS. Vos nouvelles chaines prennent des formes tout aussi imprévisibles que la colonisation elle-même :

En Côte d’Ivoire, elles sont arrivées sous forme de cassette vidéo que vous avez envoyée pour indiquer et expliquer à ce peuple qui était leur président au mépris de l’ordre constitutionnel qu’ils se sont difficilement donné.



Vos chaines y sont arrivées par les bottes des militaires avec sa forme de démocratie atypique que vous voulez instaurer selon laquelle désormais pour participer et être sûr de gagner les élections présidentielles en Afrique chaque parti politique devrait d’abord se doter d’une armée, d’une bonne armée financée de préférence par les Etats-Unis d’Amérique.



La punition des contrevenants. Vous vous êtes rendus complice d’un massacre de 1200 Ivoiriens à Douékoué, tout un village composé de pauvres paysans d’enfants, de bébés et de femmes dont le seul tort a été celui d’avoir cru à la démocratie et d’avoir tout simplement soutenu le mauvais candidat, celui qui vous semblait le moins docile.


En Afrique on croyait que le chancelier Allemand Bismarck et ses 13 compères avaient réussi le plus grand hold-up de l’histoire de l’humanité avec leur partage de type mafieux de tout un continent, mais vous venez de confirmer qu'il pouvait y avoir pire : en Libye, vous vous êtes tout simplement substitué au peuple Libyen, et avez décidé à sa place qui est son « unique et légitime représentant ». Cette fois-ci, le crime est parfait. Plus besoin de se faire prendre la main dans le sac en partageant les morceaux de terres, il suffit désormais de choisir les terres plus riches et d’indiquer qui les représente et les jeux sont faits.



C’est plus facile comme bonjour et ça peut rapporter gros. Mais vous semblez oublier Monsieur le Président que cette formule a déjà démontré ses limites devant l'histoire notamment en Afrique du Sud où une poignée de racistes Blancs étaient reconnus par vous comme uniques représentants du peuple Sud-africain, la suite on la connait; mais aussi en Chine où Taiwan en 1949 était votre Bengazi de 2011. Taiwan avait été choisi par vous comme unique représentant du peuple Chinois, aussi là, l'histoire vous a donné tort.

Vos nouvelles chaines arrivent en Afrique sous forme de résolution du Conseil de Sécurité des Nations-Unis. Qui aurait imaginé qu’une résolution dite de protection des populations de Bengazi se transformerait en opération de punition des populations de Tripoli pour avoir commis l’irréparable en soutenant l’Homme qui a pris leur pays en 1969 lorsqu’il était le plus pauvre d’Afrique avec 60 dollars par habitant et par an, en le transformant en 2011 en pays le plus développé du continent classé par les Nations-Unis 53ème au monde dans l’indice de développement humain, devant plusieurs pays même Européens. La Libye est le seul pays au monde non communiste où tous les services de bases sont absolument gratuits du logement à la santé en passant par l’instruction, avec un revenu minimum garanti pour préserver la dignité humaine de tout citoyen Libyen.


Lorsque des civils se sont emparés des stocks d’armes les plus sophistiqués de Bengazi, la réaction d’un Lincoln, allié de la Libye aurait été de tout mobiliser pour récupérer toutes les armes, car il en serait allé aussi de la sécurité des Etats-Unis d’Amérique. Mais vos nouvelles chaines c’est aussi de contribuer à rendre instables les pays en paix, car dans le désordre, dans la mer trouble, les requins ont plus à manger devant les désarrois des petits poissons.


Lorsque le 15 avril 2011 vous signez une tribune avec Cameron et Sarkozy avec le titre "Kadhafi doit partir", pouvez-vous Monsieur le Président me dire qui vous donne ce droit de décider quel président africain doit rester et lequel doit partir ? J'ai beau chercher et je ne comprends toujours pas dans quel registre démocratique s'inscrit votre initiative, si ce n'est dans le principe du Far-West du plus fort qui doit signifier au plus faible d'abandonner sa terre et tout son troupeau pour aller se débrouiller ailleurs.



Comment dès lors ne pas être entièrement d'accord avec le parlementaire de votre parti démocrate Jerrold Nadler qui, après le camouflet que le Congrès vous a infligé hier vendredi 24/06/2011 en rejetant le texte autorisant votre intervention militaire en Libye, a déclaré:



"Le président Obama se comporte comme un monarque absolu et nous devons y mettre un terme immédiatement si nous ne voulons pas devenir un empire plutôt qu'une république".


Avec ces quelques éléments, il n’y a pas de doute que, pour nous Africains la différence entre vous et Lincoln c’est comme entre le jour et la nuit. Vous avez une étrange conception de la démocratie dès lors qu'il s'agit d'Afrique, en vous comportant en vrai monarque, en décidant à la place des peuples que vous regardez avec tant de condescendance, ce qui prouve que vous êtes très loin des idéaux de Lincoln qui a écrit : « De même que je ne voudrais pas être un esclave, je ne voudrais pas être un maître. Telle est ma conception de la démocratie. Tout ce qui en diffère (…), n'est point de la démocratie ». Monsieur le Président, dans votre politique africaine, vous vous comportez en Maître, en donneur de leçon lorsque ce n’est pas en oppresseur, tout le contraire de A. Lincoln.


Vous savez mieux que quiconque que lorsque l’Union Européenne à l’unanimité s’active pour un Africain, c’est qu’il est celui qui a démontré d’être le plus capable de maintenir les chaines invisibles de l’esclavage que portent ses propres frères et sœurs.



Tous nos leaders qui ont osé dénoncer cet asservissement ont tous été foudroyés sur la route de Damas, Steve Biko en Afrique du Sud, Sankara au Burkina, Moumié au Cameroun, N’krumah au Ghana, Lumumba au Congo-Zaire etc… d’autres plus chanceux ont passé l’essentiel de leur vie en prison, c’est le cas de Mandela en Afrique du Sud avec 27 ans passés derrière les barreaux. Gamal Abdel Nasser en Egypte incarcéré en 1934 à l'âge de 16 ans par les colons Britanniques, devenu président en 1953, il est rebaptisé par le Royaume-Uni le « Mussolini du Nil », pour avoir remplacé la royauté par la République, nationalisé une série de services, d'industries et le Canal de Suez et pire, il a détruit les champs de coton de l'ère coloniale pour passer à l'industrialisation de son pays; pour tous ces péchés, il subira une dizaine de tentatives d'assassinats commandités par Londres et Paris. Mais Nasser fut plus chanceux que Kadhafi parce que le Président Américain Eisenhower a eu le courage politique de stopper ces pays qui ont déclenché en 1956 une guerre pour disaient-ils "protéger le peuple égyptien d'un dictateur".



Le Président Eisenhower a eu le courage que vous n'avez pas su avoir de les stopper et a exigé qu'ils se retirent immédiatement de l'Egypte. Même si l'URSS a brandi pour les plier la menace nucléaire.

Le Président Lincoln a payé un lourd tribut pour abolir l’esclavage aux Etats-Unis. Il a payé de sa vie pour nous rendre notre liberté, mais ses ennemis eux ne sont pas morts, ils sont là encore plus forts que jamais avec les mêmes idées détestables de toujours : l’asservissement des Africains avec tous leurs descendants, exactement comme récitait la bulle papale. Abraham Lincoln, contrairement à vous avait un idéal et même s’il n’était pas de la même race que nous, il a su se mettre à notre place pour comprendre nos supplices et nos hontes, il a su aller au-delà des considérations partisanes pour faire triompher la justice et la morale, il a su se mettre du coté des faibles juste pour être du coté de la dignité humaine.




Il a généré la guerre la plus meurtrière sur le sol des Etats-Unis, pour faire triompher une certaine idée de l’humanisme. Monsieur le Président Obama, avec vos bombes sur le peuple africain et votre choix de seconder les forts, les puissants contre les faibles, peut-on dire de même de vous ? Quels sont vos véritables idéaux ? Je suis confus pour comprendre votre sens de l'humanisme.

Voyez-vous Monsieur le Président Obama, dans l’histoire moderne, nous autres Africains sommes un peuple de perdants. Depuis 500 ans, nous n’avons pas remporté la moindre bataille contre l’Europe. Aussi parce que nous n’avons jamais déclenché une quelconque hostilité contre le peuple Européen. Nous les avons toujours subis. Nos ancêtres n’ont rien pu faire pour les contrer pendant les siècles de déportation et aujourd’hui, nous sommes impuissants devant leur folie dévastatrice.

Nous sommes conscients de notre faiblesse et de celle de nos ancêtres. Oui, nous sommes une race qui a perdu, nous avons perdu toutes les batailles contre l'Occident et peut-être me diriez-vous, que nous sommes des perdants pour toujours. Mais Monsieur le Président, au-delà de la coupe et de la médaille du gagnant, le perdant a une chose que les autres ne savent pas, et ne voient pas et qui au final le rend plus fort, c’est la souffrance de la défaite, c’est le déshonneur et la honte de la défaite. Ces deux éléments nous ont conféré au cours des siècles un trésor, une puissance que le gagnant ne connait pas et cela s’appelle l’humilité, l’effacement.




Dans notre modestie, l’Africain peut être plus heureux que l’Européen ou l’Américain qui revendique l’univers, si et seulement si vous cessez de nous détruire avec vos bombes. Car notre plus grande force est cette simplicité qui nous a conféré le courage pour résister aux intempéries de l’histoire. Le fait de ne rien prétendre, le fait de ne pas vouloir le monde, tout pour nous et tout de suite, nous laisse la sérénité d’avancer tout doucement, tout lentement, mais sur la bonne voie vers notre paradis de la normalité humaine c’est-à-dire sans asservissement. Et ce ne seront pas vos bombes qui nous l’empêcheront.

Comme Lincoln, nous sommes en train de bâtir les Etats-Unis d’Afrique du Cape en Afrique du Sud au Caire en Egypte et nous sommes conscients que cela pose problème à l'Occident qui sait que cela nous rendra encore moins naïfs, donc capables de stopper sa spoliation du continent qui n’a que trop duré. Ils ont les mêmes motivations que les ennemis hier de Abraham Lincoln : ils veulent des avantages non dus, tirés de la sueur de notre travail gratuit, tirés des entrailles de nos mines d’uranium, de diamant, d’or, de pétrole etc.




Mais ce que vous ne comprenez pas en vous rangeant avec les forts qui nous oppriment, c’est que le vent a changé de direction et que leur bateau est déjà en train de chavirer sur les rochers de la myopie politique et intellectuelle. Car l’Afrique est déjà débout, avec ou sans vous, avec ou sans votre agression. Nous avons prévu la première émission de la monnaie africaine en 2016. Votre forfait contre la Libye pourra retarder cette échéance, mais pas l’annuler, car notre cheminement vers le progrès humain est irréversible, votre guerre fera durer l’agonie économique de l’Europe mais pas assurer sa survie, la situation financière grecque est là pour nous le rappeler car leur descente aux enfers est autant irréversible. Et la corde pour escalader les montagnes de l'injustice de votre système, érigé en Lois universelle, que vous venez de lier à eux en Cote d’Ivoire et en Libye, risque de précipiter votre pays dans l’abyme de la désolation à cause de vos choix belliqueux tout aussi hasardeux que détestables.

Vous avez réussi à nous humilier en Cote d’Ivoire. Vous êtes en train de nous abaisser en Libye, mais vous n’aurez pas nos larmes, puisqu’elles se sont cristallisées par trop de siècles du sadisme européen. Vous n’obtiendrez pas notre désespoir, car restés trop longtemps couchés par terre toujours aux ordres des puissants, par contre, nous ne pouvons plus tomber, nous ne pouvons que nous relever.

Lors de votre visite à Accra au Ghana le 11 Juillet 2009 vous avez déclaré dans votre discours que : « de même qu'il est important de se soustraire au contrôle d'une autre nation, il est encore plus important de se forger sa propre nation ». En prenant en otage le président démocratiquement élu par le peuple ivoirien, vous n’aidez pas ce pays à forger sa propre nation. Au contraire, vous contribuez à empêcher qu’il puisse se soustraire au contrôle d’une autre nation. Votre secrétaire d'Etat Hillary Clinton lors de son voyage à Lusaka, en Zambie le 11 Juin 2011 a renchéri vos propos en nous mettant en garde contre un risque de colonisation chinoise avec ces termes :




« C'est facile, et nous avons vu cela à l'époque coloniale, de venir, sortir les ressources naturelles, payer les dirigeants et partir ».




Par ces lignes, je vous remercie sincèrement de vos conseils en tant que africain, mais sur la Chine particulièrement, je voudrais vous faire quelques observations :

Contrairement à l'Occident qui s'est imposée à l’Afrique sans jamais lui demander son avis, la Chine a été invitée. Ceci est une sacrée différence au vu des relations qui ont existé entre l’Occident et l’Afrique et qui continuent d’exister de nos jours. Entendre l’Occident se préoccuper d’une quelconque colonisation de l’Afrique par la Chine est une nouveauté dans la diplomatie internationale. Cette préoccupation soudaine est la preuve,




Monsieur le Président que nous vivons dans deux mondes opposés : Historiquement, Culturellement, socialement, Economiquement, Politiquement et Psychologiquement. Le rapport qui a toujours existé entre nous depuis des siècles a été celui de « Dominant – Dominé ».




La colonisation c'est le fait de venir sur nos terres vous en approprier les meilleures et nous obliger à travailler dessus, et lorsque nous ne pouvons pas produire une certaine quantité de banane, de cacao, de café ou de coton, le colon choisit un de nous au hasard et l'ampute d'un bras, d'une jambe afin de donner l'exemple à tous du rythme qu'il attend de nous.




La colonisation c'est le fait de voler et de détruire nos destins en décidant à notre place. Pour nous la colonisation, c'est l'esprit permanent de guerre pour des intérêts qui nous dépassent, tous situés en Occident. Pour nous la colonisation est un système perverti qui nous condamne depuis des siècles. Utiliser ce mot comme l’a fait votre secrétaire d'état réveille en nous des souvenirs tout aussi tristes et qui poussent au rejet complet de l'Occident en Afrique. L'Occident en Afrique c'est l'amour forcé, c'est le viol.




La Chine en Afrique, c'est un amour entre adultes consentants. Et comme dans toute relation amoureuse, il y a des hauts et des bas, il y a toujours un qui cherche à prendre le dessus sur l'autre, mais c'est toujours plus acceptable que le viol.



De grâce, Monsieur le président, ne nous enseignez pas la haine des Chinois, surtout en cette période très tendue au niveau international . L’Afrique a besoin d’investissements, de gros investissements, vous ne nous en voudrez pas de diversifier nos partenaires en fonction de nos intérêts pour une fois. Concédez-nous, Monsieur le président le droit de choisir nos amis. Le mur de Berlin est tombé depuis 1989 et nous ne voulons pas vivre dans un contexte de guerre froide permanente où il faut toujours un ennemi. Monsieur le Président, qu'attendez-vous pour dissoudre cette boite datée qu'est l'Otan? Avec la force, on peut tout détruire comme en Irak, mais ce qui est difficile, c'est trouver la Solution. L'OTAN est une organisation anachronique en ce 21ème siècle.



La Chine est aujourd'hui le seul pays qui possède une véritable réserve monétaire conséquente. Au niveau des dettes publiques, Les Chinois aident les USA à hauteur de 1.440 milliards de dollars en achetant vos bons de trésor et l’ Afrique seulement de 90 milliards. Si quelqu'un était colonisé, c'est bien vous et non nous. Cette différence s'explique par le fait que pendant longtemps, les Africains ont choisi le mauvais partenaire.




Ils ont basé leur développement sur l’aide européenne et américaine. parce qu'ils ont cru que vous en aviez les moyens. Avant de se rendre compte au final que vous clamiez le jour d'être "pays riches" capables d'aider l'univers et la nuit vous alliez demander l'aide à la Chine pour payer vos fonctionnaires, pour financer vos guerres. Encore aujourd'hui, vous-même vous comportez comme si vous aviez le moindre dollar pour aider qui que ce soit en Afrique. Ce qui n'est pas vrai. Selon les informations fournies par la FED le 13/6/2011, sur la dette privée américaine, aux dettes publiques de 14.000 milliards de dollars, il faut ajouter les 14.000 milliards de dollars de dettes des ménages américains, mais aussi les 11.000 milliards de dollars de dettes des entreprises non financières et les 14.000 milliards de dollars de dettes des instituts financiers de votre pays.




Son total de 53 trillions de dollars de dettes américaines donne la sueur dans le dos, parce que c'est l'autopsie d'un pays qui va droit dans le mur et même pas la Chine ne pourra vous sauver et le pire est que vous semblez ne pas vous en rendre compte, au point de déclencher les guerres avec tant de légèreté. Nous sommes dans un système dit de « développement à somme zéro » c'est-à-dire quand l’économie de vos pays allait bien, les autres devaient crever de faim. Et maintenant que nous nous sommes réveillés et que nos économies vont bien, les vôtres ne peuvent que s'effondrer. Et ce ne seront pas vos guerres à changer la donne.



Plutôt, discutons du débat que la Chine nous offre : le développement de l’Afrique sera une conséquence de la démocratisation de la société, comme l’a toujours prôné l’Occident ou bien c’est le développement qui doit précéder la démocratisation de la société comme nous le suggère la Chine avec un certain succès qui nous flatte ? Votre système ne marche plus même chez vous ou tout au moins pas chez nous, après les maigres résultats de 50 ans de pseudo-indépendance, parce que votre idée de démocratie africaine est celle d'une Afrique où le vote serait valable uniquement s’il vous plait et lorsqu’il ne vous plait pas, on connait la suite, vos bombes arrivent pour rectifier le vote populaire, notamment en Côte d’Ivoire. 500 ans de votre démocratie en Afrique, cela nous suffit. Nous avons envie d'essayer autre chose. Et avec seulement 10 ans de relation avec un pays que vous décrivez comme dictatorial, la Chine, l’Afrique ne s’est jamais si bien portée.



Depuis 7 mois, la Chine est en train de se débarrasser de vos bons de trésor qu'elle considère désormais, comme des produits financiers toxiques parce qu'elle est convaincue qu’elle n'aura pas la totalité de ses investissements un jour, et ce à hauteur de 9,2 milliards de Dollars par mois. Ces chiffres sont fournis par votre Département aux Finances. Bien évidemment, Monsieur le Président, quand il s’agit de vous et de l’occident, on parle de business, une fois qu’on quitte l’hémisphère Nord pour se rendre dans l’hémisphère sud, on crie au loup, attention le méchant Chinois arrive, il va vous avaler d’un coup.




NON ! Monsieur le Président,


les Africains ont ouvert les yeux et commencent à regarder autour d’eux, surement pas totalement, sinon vous n’aurez jamais eu les trois votes africains qui vous ont autorisé à aller agresser un des leurs, mais une chose est sure, ils ont entrouvert les yeux et commencent à distinguer les formes, ils peuvent aujourd’hui décrire la différence entre un Chinois et un Occidental. Et pour cause, l’Afrique pour vous n’a jamais été qu’une terre de domination, de possession, et de soumission. Nous ne connaitrons jamais pire.



Dans tous les discours dans les capitales occidentales, on ne cesse de rappeler explicitement et implicitement aux Africains, la méfiance qu’ils doivent montrer face aux Chinois, c’est devenu presqu’une obsession pour vous ; entendre cela aujourd’hui de la part des Occidentaux est suspect, pour une simple raison : nos ancêtres vous ont fait confiance et ils se sont retrouvés déportés. Nos grands-parents vous ont fait confiance et ils se sont retrouvés sous le coup de la colonisation. Nos parents vous ont fait confiance et vous nous avez installé la famine. Plus récemment, 3 pays africains le Nigéria, le Gabon et l’Afrique du Sud vous ont encore fait confiance pour voter avec vous la résolution 1973, que vous alliez protéger Bengazi et vous êtes allés bombarder Tripoli. Et aujourd’hui vous nous indiquez un ennemi ? Dans votre discours d'Accra, vous vous demandez s'il faut imputer aux Blancs la situation du Zimbabwe.




Ce faisant, vous faites semblant d'ignorer qu'en 1980 à l'indépendance le Zimbabwe pour sa reforme agraire a demandé votre soutien pour corriger la grande injustice coloniale qui fait que les Blancs qui sont 2% de la population sont propriétaires de 90% des terres arables. Accord contresigné par la Grande Bretagne qui prévoyait que cette dernière se chargerait de l'indemnisation des fermiers Blancs qui étaient tous ses ressortissants. 20 ans après, rien. Pire, les victimes de vos promesses non tenues deviennent vite les diables du moment. Et c'est parti avec vos chantages: embargo, visas, comptes saisis etc.




Et pour faire diversion, comme d'habitude, vous avez entonné le refrain du méchant loup Mugabe et comme un seul homme, tout l'occident a chanté, faisant croire que sa longévité au pouvoir était plus grave que l'injustice que vous y avez créée. En Cote d'Ivoire, le Président Gbagbo vous a écouté et a pris ses distances des Chinois en reprenant des contrats auparavant gagnés par les entreprises chinoises pour les redonner aux entreprises françaises sans appel d’offre, la suite on la connait.



Que vaut la parole d’un haut dirigeant Américain aujourd’hui ? RIEN. Rien du tout. Le 6 septembre 2008 l’ancienne Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice lors de sa visite qu'elle même a défini d'historique après 55 ans de son prédécesseur et après 51 ans d'une haute autorité américaine en Libye (Nixon en 1957 alors vice-président) déclare à la presse :




"Je pense que cette visite démontre que les États-Unis n'ont pas d'ennemis permanents et que lorsque des pays sont prêts à faire des changements stratégiques d'orientation, les États-Unis sont prêts à répondre",




Et le porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack d'ajouter à l'attention de l'Iran et de la Corée du Nord : "La Libye est un exemple qui montre que, si certains pays font un choix différent de celui qu'ils font actuellement, ils peuvent avoir des relations différentes avec les Etats-Unis et le reste du monde, et que nous tiendrons nos promesses".

Votre prédécesseur Georges BUSH et Mme C.RICE ont-ils à votre avis commis une erreur de jugement en convainquant pendant 6 ans (de 2001 à 2006) la Libye à se défaire de toute une série d'armes dangereuses en échange de la promesse que ce pays ne serait jamais attaqué ? Ou alors c'est vous qui êtes peu regardant sur le respect des engagements de vos prédécesseurs ? Non Monsieur le Président ! ils ont juste appliqué le principe républicain tant cher à Abraham Lincoln :




« Ce que je veux savoir avant tout, ce n'est pas si vous avez échoué, mais si vous avez su accepter votre échec».




Le Président Bush avait tout simplement accepté l'échec de la politique américaine d'isolement de la Libye depuis 1981 et avait décidé de changer de cap, avec beaucoup de difficultés, mais le succès de l'initiative est toute à son honneur avec le rétablissement des relations diplomatiques dès 2004. Ainsi, même si la culpabilité de la Libye n'a jamais été établie, votre prédécesseur a réussi à la faire accepter d’indemniser toutes les familles les victimes de Lockerbie et du café de Berlin; mais aussi, elle a accepté de se défaire de ses armes de destruction massive, elle a ouvert les dossiers de ses services secrets pour aider les USA dans la lutte contre le terrorisme mettant à risque son propre territoire et son propre peuple contre les possibles représailles. Dans tout pays, Monsieur le Président, même le plus primitif qui soit, quand vous avez payé votre dette envers la société, ce chapitre est clos.




C’est ce que le Président Bush a voulu démontrer en fermant ce chapitre sombre avec la Lybie avec cette visite officielle. Puis-je savoir de quoi de nouveau est exactement accusée la Lybie depuis ce nouveau départ du 6 septembre 2008 ? Après plus de 3 mois d'agression inutile contre le peuple Libyen, je vous prie Monsieur le Président Obama de SAVOIR ACCEPTER VOTRE DEFAITE. Vos compagnons de route ne peuvent que vous enfoncer: par exemple, la France en un mois a fait atterrir urgemment 6 chasseurs bombardiers Mirage sur l'Ile de Malte pour panne sèche, pour manque de carburant les 20/04, 23/04 et 02/05(source AFP).




Car Monsieur le Président comme vous l'a dit la Chine à travers son quotidien China Daily, vous êtes des pays encore convalescents sortant d'une crise financière qui n'est pas terminée et n'avez aucun moyen financier pour supporter une guerre longue. En témoignent les nombreuses défections de vos alliés : la Norvège vous a informé depuis le 9 Mai qu'elle n'aurait pas d'argent pour continuer une guerre au delà du 24 Juin, l'Italie vient de demander la fin des bombardements parce qu'elle ne sait pas où trouver 40 milliards d'Euros dans l'immédiat pour ne pas sombrer dans la crise de type grecque etc... Savoir accepter cette défaite sera à votre honneur plutôt que de continuer cette fuite en avant pour vous venger sur des civiles inoffensifs en larguant vos bombes à l'aveuglette tous les jours, sans qu'on sache bien où vous croyez arriver ainsi.

Monsieur le Président Obama, Est-ce trop vous demander que de vous prier d'écouter au moins la voix des élus Américains qui hier 24/6/2011 avec les voix de 70 de vos propres élus Démocrates, vous ont demandé d'arrêter votre guerre en Libye ? Est-ce trop vous demander que de vous prier de vous occuper des Américains qui vous ont voté pour leur trouver du boulot et de nous laisser en paix en Afrique choisir nous-mêmes notre destin, même en nous trompant et d'apprendre de nos erreurs ? Est-ce trop vous demander que de vous prier de libérer le président Laurent Gbagbo de Côte d'Ivoire qui n'a commis qu'une seule faute, son manque de docilité au système qui nous opprime depuis 500 ans ?

Monsieur le Président, le monde a changé. On est passé au tout numérique mais vous semblez regarder l'Afrique encore sur une pellicule en Noir et Blanc. En dépit de tous les freins que votre système de règles du jeu truquées, lui a imposés, L'Afrique, a un taux de croissance moyen de 6% par an. Nous ne sommes qu'au début de notre propre révolution industrielle et les matières premières qui vous attirent tant sont destinées à satisfaire nos propres besoins de consommation, car contrairement à nos parents et nous-mêmes, nos enfants ne veulent plus vivre de privation et qu'ils soient à Niamey ou a Pretoria, ils veulent aussi vivre dans le même confort qu'à Los-Angeles ou à Paris, ils veulent aussi s'éclater et pour satisfaire toute cette consommation qui est en train d'exploser en devenant exponentielle, nous avons besoin de nos propres matières premières. Nous nous posons déjà le problème de comment faire pour repérer les ressources, les matières premières pour satisfaire les besoins toujours raffinés de cette nouvelle population africaine.




Je vous conseille donc, de changer de politique afin d'amener vos concitoyens à réduire leurs consommations et les adapter à la disponibilité des ressources en votre possession et pour lesquelles vous n'aurez plus besoin de vivre dans une guerre permanente avec l'humanité.

Il me plait de conclure avec ces mots que je fais miens : « La pauvreté n'est pas une honte, mais c'est l'exploitation des peuples qui l'est. Nous reprendrons tous nos droits, car toutes ces ressources sont les nôtres » Président Egyptien Nasser dans son discours radiodiffusé à Alexandrie le 26 juillet 1956, marquant la nationalisation du canal de Suez et le début de la guerre d'agression de la France et du Royaume Uni pour annuler sa décision.

Dans l’espoir de lire votre réponse bientôt, je vous adresse Monsieur le Président des Etats-Unis d'Amérique, l’expression de ma très haute considération et je profite de cette occasion pour vous souhaiter une bonne chance pour votre prochaine re-élection en 2012.

Jean-Paul Pougala

Genève le 25 Juin 2011

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(*) Jean-Paul Pougala est un Ecrivain Camerounais, Directeur de l’Institut d’Etudes Géostratégique et Professeur de Sociologie et Géopolitique à la Geneva School of Diplomacy de Genève en Suisse.


Source:

http://www.pougala.org/html/obama.html