samedi 25 juillet 2009

La pseudo-bourgeoisie prébendiaire africaine !

« Des nationaux voltaïques entreprirent avec l’appui et la bénédiction de l’impérialisme, d’organiser le pillage systématique de notre pays. Des miettes de ce pillage qui leur retombent, ils se transforment petit à petit en une bourgeoisie véritablement parasitaire, ne sachant plus retenir leurs appétits voraces. Mus par leurs seuls intérêts égoïstes, ils ne reculeront désormais plus devant les moyens les plus malhonnêtes, développant à grande échelle la corruption, le détournement des deniers et de la chose publique, les trafics d’influence et la spéculation immobilière, pratiquant le favoritisme et le népotisme. Ainsi s’expliquent toutes les richesses matérielles et financières qu’ils ont pu accumuler sur le dos du peuple travailleur. Et non contents de vivre sur les rentes fabuleuses qu’ils tirent de l’exploitation éhontée de leurs biens mal acquis, ils jouent des pieds et des mains pour s’accaparer des responsabilités politiques qui leur permettront d’utiliser l’appareil étatique au profit de leur exploitation et de leur gabegie. »
Thomas Sankara
Oser inventer l’avenir, la parole de Sankara, 1983-1987
de Thomas Sankara et David Gakunzi, 1991.

jeudi 2 juillet 2009

Les Fonds Vautours

Selon la doctrine juridique dite de la dette odieuse, une dette doit être considérée comme nulle dès lors qu’elle a été contractée sans le consentement de la population (régime despotique, transaction viciée par la corruption…) et sans qu’elle n’en bénéficie, dès lors que ces premiers éléments sont connus du prêteur.
Voir à ce sujet la brochure « Dette odieuse, à qui profite la dette des pays du Sud ? », de la Plate-forme Dette & Développement.
Je me permet de porter à la connaissance des internautes et lecteurs de mon blogue un fait d'une extrême gravité relatif au rapport qui a été produit conjointement par la plateforme Dette & Développement (France) et le Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11, Belgique) (1)

Depuis 1971, l’endettement sans entrave est devenu un des piliers du système économique et du modèle de développement promus par les pays du G7. La dette est l'épée de Damoclès que les pays industrialisés entretiennent en permanence pour perpétuer le néo-impérialisme des pays du Sud. Des nouvelles formes de surenchère et de "partage du gâteau des laissés-pour-compte" a vu le jour: Les Fonds Vautours.
Mais, de quoi s'agit-il ?
D'après le rapport, les “fonds vautours” sont des fonds d’investissement spéculatifs. Ils tiennent ce surnom de leurs pratiques qui consistent à racheter à très bas prix des parts de la dette de pays du Sud, pour intenter ensuite des procès contre ces pays afin d’obtenir le paiement
intégral de la valeur faciale des cr éances, intérêts compris.
Par exemple,

FG Hemisphere se présente comme un fonds d’investissement privé. Ce fonds vautour a son siège dans l’État américain du Delaware, considéré par beaucoup comme un paradis fiscal. En septembre 2004, il rachète au rabais une créance impayée de 18 millions de dollars envers la SNEL, l’entreprise publique d’électricité de la République démocratique du Congo (RDC) (2).
La dette date des années 1980, l’époque de Mobutu. En 2007, il obtient une condamnation de la Cour d’appel du District de Columbia (États-Unis) qui oblige la RDC à lui payer 104 millions de dollars, intérêts inclus.
FG Hemisphere a recommencé l’opération sur d’autres créances : au total, il a racheté pour 35,9 millions de dollars de dettes congolaises et obtenu que les tribunaux condamnent la RDC à lui payer 151,9 millions de dollars2. Il lui restait à se faire payer. FG Hemisphere s’est d’abord cassé les dents en voulant saisir le cash que la Chine destinait à la RDC pour son colossal programme « infrastructures contre concessions minières ». Le 12 décembre 2008, le tribunal de Hong-Kong qui avait été saisi s’est en effet déclaré incompétent4. En janvier 2009, FG Hemisphere a eu gain de cause. Un tribunal sud-africain l’autorise à saisir pendant les 15 prochaines années les recettes escomptées par la SNEL sur le courant vendu à l’Afrique du Sud, estimées à 105 millions de dollars – ce qui représente deux fois et demi le budget de l’État congolais pour la santé en 2009 (3).
Les dérives du système criminel de la dette odieuse
D'après le rapport, le mode opératoire des fonds vautours est unanimement lénoncé : ces derniers rachètent sur le marché secondaire des dettes de pays pauvres à prix cassé, pour les contraindre ensuite par voie judiciaire à payer le montant initial de ces créances (leur "valeur nominale") et les intérêts qui s’y rapportent. Court-circuitant les initiatives multilatérales liées à la dette, ils tirent partie de l’appel d’air généré par les allégements concédés par les autres créanciers. Pourtant, les créanciers traditionnels que sont les pays riches auraient tout intérêt à anéantir les fonds vautours, car ceux-ci ne se soumettent à aucune régulation et s’accaparent le fruit des initiatives d’allégement de dette. La loi et certaines juridictions leur donnent raison. Grâce à un lobbying très efficace auprès de l’administration américaine, les fonds vautours font tout pour biaiser les règles du jeu à leur profit. Ils jouent avec la loi, mais cherchent parallèlement à s’y soustraire, par tous les moyens. Ainsi en est-il des vautours les plus en vue, tel Kenneth Dart, parti réfugier son butin de 6 milliards de dollars aux Îles Caïmans pour éviter l’impôt et les contrôles.

Il arrive cependant que certains fonds exercent des pressions qui aboutissent à des arrangements « extrajudiciaires» et au paiement par les pays pauvres de montants élevés sans qu’il y ait de passage devant les tribunaux. C’est le cas du fonds vautour de Kenneth B. Dart qui, en 1992, aurait racheté 4 % des bons du Trésor brésilien, d’une valeur de 1,4 milliard de dollars,
pour à peine 375 millions de dollars, puis refusé le compromis âprement négocié entre le gouvernement Cardoso et 750 banques, avant d’obtenir 980 millions de dollars, empochant ainsi une plus-value confortable de 605 millions sans recours à la justice (« out-of-court settlement »)
Les "Fonds Vautours", un véritable gangstérisme économique
-Rachat à d'autres créanciers-souvent des banques commerciales – de créances jugées irrécouvrables d’un pays à prix bradés sur un marché secondaire de la dette.

-Refus de participer avec les divers autres créanciers aux négociations de restructuration de la dette du pays concerné.

-Poursuite du pays débiteur devant la justice, pour l’essentiel soit à New York, soit au Royaume-Uni, en réclamant le remboursement intégral des créances (valeur d’origine, majorée des arriérés et intérêts de retard).
-Les fonds vautours obtiennent parfois du tribunal devant lequel est menée l’action en justice le statut de créanciers privilégiés : ils seront alors remboursés avant les autres. Dans le jargon, on parle d’un ordre de séniorité qui gèle le remboursement des dettes dues envers d’autres créanciers multilatéraux ou bilatéraux tant que le montant obtenu lors du jugement n’a pas été versé. Le pays débiteur craignant de mettre en péril sa crédibilité sur les marchés financiers accepte par conséquent de rembourser le fonds vautour en priorité.

-En général cependant, pour obtenir le paiement effectif, les fonds vautours tentent plutôt d’obtenir un titre exécutoire – une astreinte - qui leur permet de saisir ou faire peser une menace de saisie sur les actifs du pays qui se trouvent à l’extérieur de son territoire.
D'après le rapport, le Liberia, le Cameroun, le Congo-Brazzaville, le Nicaragua, l’Ouganda, la Sierra Leone ou la RD C sont des États très fragiles qui n'ont pas les moyens ni l'expertise d'argumenter au cours de procédures judiciaires très perfectionnées.
PPTE poursuivis par les "Vautours" (nombres d'actions intentées contre les PPTE) (4)
-Libéria: 10
-Guyane: 8
-Congo Brazza: 8
-Cameroun: 7
-Ouganda: 7
-Nicaragua: 5
-Sierra Léone: 5
-RDC: 4
-Zambie: 3
-Éthiopie: 2
-Honduras: 1
-Mozambique: 1
-Niger: 1
-Sao Tome et Principe: 1
Selon le rapport, les "Fonds Vautours" ont déjà extorqué près de 2 milliards de dollars aux pays du Sud (5).
Sièges des Vautours les plus actifs (nombre d'actions intentés contre les PPTE)
-États-Unis: 15
-Paradis fiscaux britanniques: 12
-Royaume-Uni: 7
-Républiques Yougoslaves: 7
-Liban: 3
-France: 2
Les principaux "Vautours"
Les fonds vautours sont majoritairement d’origine anglosaxonne :
-Debt Advisory International,
-Elliott Associates L.P.,
-FG Hemisphere,
-Kensington International Ltd…
Les sociétés civiles des pays spoliés (pays du Sud) doivent urgemment agir !
D'après le rapport:
a) Il faut assécher le marché secondaire de la dette

Il convient d’édicter des normes juridiques au niveau national et international pour interdire la cession de créances souveraines dès lors que :

- L’acheteur est un fonds vautour identifié comme tel ou a son siège dans un paradis fiscal.

- Les acheteurs ne participent pas aux initiatives d'allégement de dettes telles que PPTE.

- Le consentement préalable des autorités représentatives du pays débiteur n’a pas été obtenu.
b) Instaurer une juridiction internationale pour régler les différends liés à l'endettement
Il faut créer un Tribunal International de la dette. Le rapport recommande de:
- créer une juridiction supranationale pour le règlement de tous les contentieux liés aux dettes
publiques.

- Mettre en application les principes du prêt responsable édictés par Eurodad et privilégier l’application du droit international public pour le contentieux relatif à la dette souveraine.
c) Faire prévaloir les dépenses publiques vitales sur les remboursements de dette
Pour cela, il faut "civiliser la mondialisation" et placer l'Homme au coeur des préoccupations. Il convient de:

- Redéfinir les indicateurs de viabilité de la dette sur la base de critères sociaux, afin d’annuler les dettes socialement insupportables et d’éviter un ré-endettement excessif des pays en développement.

- Interdire, par voie légale, aux créanciers de saisir les ressources affectées à la coopération au
développement.
d) Mettre fin à la domination des créanciers

À l’heure de l’équilibre des puissances sur la scène mondiale, il est temps de :

- Démocratiser les instances de traitement de la dette.
- Promouvoir et renforcer des processus d'audit pour fonder l'annulation des dettes odieuses et illégitimes.

Les fonds vautours soulèvent surtout la question du droit qui s’applique aux acteurs de l’endettement. Pas plus que face aux fonds vautours, le droit ne protège pour l’heure les pays en développement face à leurs autres créanciers, quand bien même le remboursement de la dette devrait s’opérer au détriment de dépenses vitales. Depuis plusieurs décennies, le FMI et la Banque mondiale requièrent le remboursement de sommes pourtant vitales pour les populations des pays du Sud. Jamais ils n’ont reconnu que leur responsabilité était engagée lorsqu’ils ont contribué à l’endettement de régimes dictatoriaux – en attendant, c’est la population qui règle la note.
Certains se voient accorder cent fois le montant qu’ils ont déboursé pour le rachat d’une créance. Le plus grand bénéfice de tous les temps ?
Références bibliographiques:
1. Ses principaux auteurs sont Gaspard Denis (CNCD-11.11.11), Jean Merckaert (CCFD-Terre Solidaire), Renaud Vivien (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde - CADTM), Yvanne Thobie (CCFD-Terre Solidaire, bénévole) et Marie Yared (World Vision France). Sous la conduite de Jean Merckaert, coordinateur de la plate-forme Dette & Développement.
2. Créance rachetée à la société bosniaque Energoinvest, après que celle-ci eut obtenu en 2003
un arbitrage en sa faveur. Cf. Arrêt de la Cour d’Appel du District de Columbia, 19 mai 2006.
3. Budget prévu de 24 milliards de francs congolais pour la santé, soit environ 41 millions de dollars US. 48 milliards FC sont budgétés pour le développement rural. Source : Kongo Times, 12 mars 2009.
4. Source: calcul à partir des données 2005-2008 du FMI et de la Banque mondiale.
5. Si le Rapport 2008 du FMI sur l’initiative PPTE avance le chiffre de 1,168 milliard de dollars, l’édition 2006 du même rapport évoquait un montant proche de 2 milliards de dollars.