lundi 8 novembre 2010

L'antériorité de la Haute Égypte sur la Basse Égypte

Dans les années 80, l’étude du sol du delta du Nil a été réalisée par un laboratoire français de radioactivité, celui du CEA-CNRS de Gif-sur-Yvette.
Voici les principales conclusions:
"Bien que ces documents écrits soient peu nombreux au début, limités à quelques empreintes de sceaux royaux, ils nous éclairent cependant sur les premiers temps de l’histoire de l’Égypte, un peu avant que ne débute la première dynastie. C’était alors l’époque nagadienne (au sud). Des rois se succédaient depuis longtemps déjà dans l’Égypte du Sud, que l’on appelle aussi Haute Égypte, c’est-à-dire tout au long de la vallée du Nil située plus au sud que la position actuelle du Caire.

D’autres rois existaient aussi dans l’Égypte du Nord, c’est-à-dire la région constituée par le Delta du Nil, mais ces rois du delta ne s’étaient pas installés depuis longtemps, tout au plus depuis deux ou trois siècles : nous savons maintenant que c’est parce qu’auparavant le delta était encore immergé (...) Le lien entre l’abaissement du niveau de la mer et le développement de la civilisation égyptienne est clair : il existe, en effet, comme nous allons le voir maintenant, une très bonne concordance entre les dates "Carbone 14" égyptiennes et celles de la sortie du Delta de la mer vers - 4700 ... On data ainsi une quantité de restes attribuables à l’activité humaine, dans le Delta, la vallée du Nil et aussi dans les régions qui entourent cette vallée.

Cela a permis de savoir qu’à tel moment du passé l’homme occupait - ou n’occupait pas - ces lieux. Et de cette manière l’on a fait une constatation très curieuse. Dans toute l’étendue du royaume du Sud, c’est-à-dire dans la haute vallée du Nil à partir du sud du Caire, ainsi que dans ses prolongements dans le Soudan actuel, on trouve des artefacts humains jusque bien au-delà de - 20 000 (ans) ... On trouve aussi de nombreux vestiges très anciens dans ce qui est aujourdhui la Palestine et la Jordanie, ainsi que sur le territoire de la Libye.

Bref, toute cette région du Proche-Orient s’est révélée, grâce au carbone 14, très anciennement peuplée, dès le paléolithique supérieur. Toute la région, sauf le Delta du Nil. Pour celui-ci, les dates Carbone 14 ne commencent en effet que vers - 4200, soit 3000 av. J.C. . Mais à partir de ce moment, très vite, elles deviennent très nombreuses. Tout se passe en fait comme si l’implantation humaine n’avait eu lieu dans le Delta qu’à partir de cette date, alors que partout ailleurs, comme on vient de le dire, elle existait depuis longtemps." (1)
Ces résultats montrent d’une part que le mouvement de la civilisation égyptienne du Sud soudanais vers le Delta du Nil est corrélé à l’abaissement du niveau de la mer et d’autre part, ils confirment parfaitement la tradition rapportée par les Anciens. L’antériorité de la Haute-Égypte sur le Delta du Nil est encore démontrée par les résultats des fouilles archéologiques. Ci-joint un extrait explicite :
" Abou Simbel - Une mission archéologique mixte égypto-américaine a mis au jour une ville archéologique préhistorique dans la région d’El-Nabta à l’ouest d’Abou Simbel. L’histoire de cette ville remonte à 9 000 ans et démontre que le désert occidental au Sud de l’Égypte fut le berceau de la civilisation égyptienne.Dirigée par le Dr. Fred WENDORF, professeur d’anthropologie à l’Université de Dallas, cette équipe scientifique poursuit ses travaux de fouilles depuis sept ans avec la collaboration de quelques archéologues et géologues.

Le géologue égyptien, le Dr. Mohamed ELBAHY, a déclaré que les résultats enregistrés par la mission font probablement d’El-Nabta la plus vieille ville habitée par les anciens Égyptiens. Furent également découverts des bâtiments gigantesques en pierre qui seraient sans doute les restes d’un temple". (2)

Cette donnée particulière, montre bien qu’il n’a pu y avoir une occupation du Delta vers - 5000 ou - 4000 avant J. C. par une population extérieure à l’Egypte (éventuels pharaons indo-européens) pour la simple et bonne raison que le Delta du Nil n’existait pas. Ce Delta apparait durant la période de l’implantation des Nubiens conduis par Narmer en Basse Egypte.
Après examen de la riche documentation léguée par les Grecs anciens, on constate qu’unanimement, ils attestent que les Egyptiens anciens étaient des africains mélaniens originaires du sud. L’éventualité d’une origine nordique fut une thèse qu’ils n’ont même pas développé compte tenu des éléments suivants.

HÉRODOTE, nous apprend que le Delta du Nil n’existait pas avant 3 200 avant J. C.:
"Autrefois les Égyptiens n’avaient point de pays. On sait en effet que leur Delta, ils le disent eux-mêmes et c’est mon sentiment, est une terre d’alluvion, une terre, peut-on dire, nouvellement apparue. Jadis d’ailleurs, on appelait Égypte la Thébaïde, dont le pourtour est de six mille cent vingt stades". (3)
Le professeur Cheikh Anta DIOP a très vite compris qu’une datation du Delta permettrait de clore définitivement le dossier. Aussi, après avoir examiné les témoignagnes des anciens tels HOMÈRE, SÉNÈQUE,AMMIEN MARCELLIN (XXII, 16) et HÉRODOTE, il avait compris que la Haute-Égypte (le sud nubien) était bel et bien antérieure au Delta :

"Ajoutons seulement qu’aujourd’hui les méthodes physiques modernes de datation, appliquées à l’archéologie, permettraient de trancher la question. Des tests par le radiocarbone, pratiqués sur des carottes prélevées sur les emplacements respectifs de ces différentes villes permettraient de déterminer avec une certitude suffisante les dates d’émergence des terres qui supportent ces villes et d’une façon générale l’âge du Delta en tant que terre ferme habitable. Voilà un cas précis où la physique moderne aiderait l’archéologie à sortir du cercle vicieux de l’exégèse des textes". (4)
La Toponymie :

Lors du colloque d’égyptologie du Caire de l’UNESCO du 28 janvier au 03 février 1974, le professeur Gordon-Jacquet, a clairement démontré l’origine uniforme de la civilisation égypto-nubienne, du nord au sud. C’est à dire qu’une implantation non Nègre en Egypte ancienne, aurait laissé les traces suivantes.
Elle signale que les noms de lieux (villes, villages, lac, oasis, fleuve, etc.), c’est un phénomène bien connu, sont extrêmement vivaces et chaque peuple (groupes linguistiques) qui se succède dans une région, laisse sa marque sous la forme de toponymes, plus ou moins nombreux, suivant l’importance numérique de ce groupe et la durée de sa prédominance dans la région.

Tout peuple d’origine extérieure (éventuels indo-européens ou autres), qui serait venu s’ajouter à la population égyptienne d’origine nubienne, aurait forcément laissé la trace de sa présence dans la toponymie du pays et surtout du Delta, compte tenu du fait que sa langue serait distinct de l’égyptien ancien. Or ce n’est pas le cas !
La toponymie égyptienne, comme le confirme le professeur Gordon-Jacquet, est extrêmement homogène du sud au nord. Elle se compose de noms dont l’étymologie s’applique à la langue égyptienne elle-même.

La Toponymie est une science fiable, utilisée pour dégager les "couches" historiques, d’occupation d’un lieu par diverses populations. Pour l’Egypte, elle révèle une occupation nubienne homogène.
Conclusion :

Toutes ces données, confirment :

-l’origine sudéenne, donc nubienne des Egyptiens anciens;
-l’impossibilité de l’occupation de toute la région du Delta avant son émergence vers 3 000 avant J. C;
-l’impossibilité d’une implantation non-africaine dans le Delta;
-que les égyptologues euro-centristes qui soutiennent la thèse d’une occupation étrangère dans le Delta du Nil (éventuels pharaons blancs) sont des prisonniers de la caverne de Platon !
Références bibliographiques:
1. Cf. Chapitre 5, "Légendes, histoires, niveaux de la mer", du livre L’homme et le climat - Paris, Éditions Denoël, 1985 de Jacques LABEYRIE, ancien directeur du Centre des faibles radioactivités du CEA-CNRS, à Gif-sur-Yvette.
2. Cf. le Bulletin d’Information Archéologique (BIA) dans son n° 5, période janvier - juin 1992;
Cf. : EL-SAYED EL-NAGGAR, "Découverte d’une ville antique remontant à neuf mille ans à Abou Simbel", Al-Akhbar du 20 avril 1992;
Cf. ankhonline.com
3. Hérodote, Livre II, 15.
4. Antériorité des civilisations nègres - mythe ou vérité historique. Cheikh Anta Diop. Éd. Présence Africaine, p. 12.
Source: