lundi 22 décembre 2008

Les Paradis Fiscaux et Judiciaires (P.F.J) et les Biens mal acquis

« Seules les petites gens paient des impôts »
Leona Helmsley (décédée en septembre 2007)
«Au refus global, nous opposons la responsabilité entière.»
Borduas

I. Les Paradis Fiscaux et Judiciaires

Les Paradis Fiscaux et Judiciaires et la grande corruption représentent des réels défis à la société civile des pays du Nord, en l'occurrence celle des pays du Sud car c'est elle qui subit ses effets pervers et criminels. C'est un véritage enjeu de dévelopement et tous les efforts doivent être consentis pour obliger les pays industrialisés à procéder à leur levés.

Les structures de la société contemporaine ressemble à la forme d'une balle de rubbis. Les deux extrémités sont étroites tandis que la médiane est élargie. Plaçons la balle de façon verticale, l'extrémité inférieure étant la base, puis la médiane la partie la plus élargie et l'extrémité supérieure étant le sommet. Supposons une évolution sociale émanant:
- de l'extrémité inférieure(la base): Supposons qu'environ 10-15% de la population se retrouve dans cette zone. C'est le socle de la société, ici on assiste à une production économique de type informel avec une intervention peu présente de l'État pour soutenir soutenir les micro-projets. C'est cette base qui participe, par son dynamisme à soutenir les macro-projtes en ce sens qu'elle est le levier du développement. Cette base peut être comparée au Ça ou au ka (instincts), socle de la constitution de la personnalité d'un individu.

-de la médiane: C'est la zone de régulation des schèmes sociaux et d'expression de la créativité. Supposons qu'environ 65-75% de la population se retouve dans cette zone. L'État est quasi-présente dans tous les domaines et participe à l'édification de l'économie soit par la régulation et le contrôle des activités, soit par des interventions ponctuées comme c'est le cas actuellement avec la crise financière internationale. L'accent doit être mis ici sur une Justice équitable qui protège l'épargne et garantie les investissements, et sur les les recettes fiscales(impôts),produites par les activités économiques. Les recettes fiscales, représentent pour l'État, la source vitale comme le kérozène est l'énergie sans laquelle l'avion ne peut prendre son envol, comme le coeur sans lequel aucune vie humaine n'est possible. L'application de la Justice sociale et les impôts payées par les investisseurs, permettent à l'État de financer les projets sociaux de base: santé, éducation, agriculture, etc.

-de l'extrémité supérieure: Supposons qu'environ 10% de la population de retrouve dans cette zone. C'est la zone des plus grandes fortunes de la planètes. Cette zone est surtout caracrtérisées par une absence quasi-totale de contrôle de l'État sur les activités menées par ces grandes fortunes. C'est la zone de non droit. Les lois appliquées dans la "société médiane" pour réguler les activités et prelévées les recettes fiscales, véritable "artère de vascularisation sociale" dans son ensemble, sont absentes. Cette situation se caractérise par la floraison des Paradis Fiscaux et Judiciaires, comme leur appelation l'indique, c'est des Territoires qui ont trois caractéristiques principales:
-une facilité des investissements, garantie par une fiscalité dérisoire,
-une justice opaque, c'est-à-dire peu regardante quant aux activités des entreprises;
-et le secret bancaire, encourageant la fuite des capitaux des pays du Sud (et dans une moindre mesure, des pays du nord).
Comment peut-on ignorer qu’au milieu des années 1970, ils étaient au nombre de 25 et que le FMI en identifie aujourd’hui plus de 60, par lesquels transite la moitié du commerce mondial et où les actifs domiciliés s’élèvent à 11.000 milliards de dollars, alors que ces territoires ne représentent que 3% du PIB mondial ?
Comment peut-on ignorer que dans le continent européen, opèrent une douzaine de PFJ au sens où nous l’entendons c’est à dire des territoires où coexistent à des degrés divers une faible taxation, le secret bancaire et l’impunité juridique ? La Suisse et le Luxembourg, mais aussi les îles anglo-normandes, Gibraltar, Malte, Chypre, le Liechtenstein, Monaco et Andorre ?
- Les Paradis fiscaux et judiciaires (PFJ) conduisent à l’assèchement des ressources fiscales des pays du Nord comme du Sud. En raison de leur moindre superficie et faible population, ils peuvent pratiquer le moins-disant fiscal tandis que les pays du Nord comme du Sud sont obligés de multiplier les exemptions d’impôts. Selon les estimations les plus basses en ne comptant pas la fuite des capitaux, le coût de ce fléau pour les pays du Sud se monte à 50 ou 70 milliards de dollars !

- Les PFJ sont une boîte noire pour la criminalité transnationale en combinant des instruments capables d’occulter l’origine des fonds et le refus de coopérer avec la communauté internationale en matière de recherches fiscales et criminelles. Ils offrent ainsi un espace privilégié d’interface entre le monde des transactions financières légitimes et l’argent d’origine criminelle. Ils contribuent par leur existence même à la corruption internationale et au développement des réseaux criminels, terroristes et mafieux.
D'après la Plate-Forme Paradis Fiscaux et Judiciaire:
" 50% des flux financiers internationaux transitent par les paradis fiscaux et judiciaires (PFJ), parmi eux des capitaux licites ou illicites qui représentent une véritable hémorragie financière pour les économies des pays en développement. Cette fuite des capitaux n’est pas nouvelle. Selon les Nations unies, dans les pays africains de 1960 à 1990 elle a représenté près de deux fois le montant de la dette du continent. Par définition, l’opacité des PFJ empêche de disposer de chiffres précis, mais selon les estimations les plus sérieuses2, les seuls flux illicites s’évadant des pays du Sud via les PFJ oscillent entre 500 et 800 milliards de dollars. Ces flux illicites comprennent l’argent du crime, de la corruption et de la fraude fiscale qui doit elle aussi être reconnue dans une large acceptation comme illicite. La fraude fiscale et la corruption, sur lesquelles nous nous focalisons ici, doivent de toute urgence recevoir une réponse de la communauté internationale, tant la perte financière pour les pays du Sud est importante et compromet tout effort de la communauté internationale pour lutter contre la pauvreté. Oxfam International a calculé que 100 milliards de dollars d’aide supplémentaire annuelle3 sont nécessaires pour atteindre les 8 objectifs du Millénaire pour le développement, décidés en 2000 par les Nations unies pour diviser par deux la pauvreté d’ici à 2015." (1)
D'après John Christensen,Économiste et directeur du Secrétariat international du Tax Juctice Network (T.N.J), http://www.taxjustice.net/:
" Les paradis fiscaux sont au cœur de la mondialisation des marchés de capitaux.La majorité du commerce et des investissements transfrontaliers s’effectue au travers de ces centres offshore. Ils opèrent comme un catalyseur de la concurrence fiscale et entament l’efficacité des réglementations en place. Le secret bancaire encourage et entretient une corruption massive, et cependant la plupart des paradis fiscaux figurent parmi les pays les moins corrompus au monde. L’impact qu’ils ont sur les pays pauvres est totalement désastreux, mais ce problème est ignoré par les agences internationales, par la majorité des gouvernements occidentaux, et (de façon inexcusable) par une grande partie des institutions en charge de l’aide au développement. La société civile doit donc s’unir afin de mettre fin à ce scandale.
Quelques chiffres à considérer:

- Depuis 1981 le niveau de la pauvreté sous la ligne de $2 par jour-- à tombé de 59,1% à 51,6 % (la Chine mise à part). A ce rythme, il faudra encore 118 ans pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement de réduction de moitie de la pauvreté.
-Globalement, les 20% les plus riches de la population mondiale se disputent presque 70% du revenu total. A l’inverse, les 20% au bas de l’échelle des revenus n’en reçoivent que 2%. Les niveaux d’inégalité sont plus élevés aujourd’hui qu’à aucune autre période de notre histoire.
-La libéralisation des capitaux (suppression du contrôle des changes et dérégulation bancaire) depuis 1979 a catalysé le développement des paradis fiscaux. Au milieu des années 1970 on ne dénombrait que 25 paradis fiscaux. En 2005 le TJN en dénombrait 73. En avril 2007 le Président Ghanéen John Agyekum Kufuor a annoncé son projet d’établir un paradis fiscaux en Accra.
-56% des pays recensés par Transparence International en octobre 2007 comme les moins corrompus sont des paradis fiscal et des centres financiers offshore.
-Entre 1970 et 1996, la fuite accumulée des capitaux privés en provenance des 30 pays les plus endettés d’Afrique subsaharienne représentait 170% du produit brut de la région.
-L’OCDE estime que plus 50% du commerce mondial transite en papier par les paradis fiscaux, bien que ces territoires ne représentent que 3% du produit brut mondial.
-Pour chaque dollar de l’aide officielle que nous envoyons à l’Afrique, un minimum de cinq dollars d’origine africaine sont placés sur des comptes offshore." (2)
Christian Chavagneu pense que:
"La localisation des actifs immatériels dépend de plus en plus des stratégies d'optimisation fiscale des entreprises." (3)
Les représentants des sociétés civiles africaines réunis en contre-sommet des peuples, à Yaoundé le 18/01/2001 déclarent:
" Nous, peuples africains victimes de la Françafrique, déclarons devant le monde et devant l’histoire ce qui suit :
Nous sommes plus qu’insatisfaits de la façon dont nos pays sont gouvernés. Malgré leurs immenses richesses, les populations ne cessent, depuis les indépendances, de s’enfoncer dans la pauvreté, l’insécurité et la corruption. Nos pays font partie aujourd’hui du groupe misérable dit des “pays pauvres et très endettés”, parias de la mondialisation. Dans le même temps, nos dirigeants, eux, s’engraissent et amassent de scandaleuses fortunes personnelles. Curieusement, l’indépendance qui est la condition du développement des peuples, est devenue chez nous synonyme de misère et de mal gouvernance. La cause de ce paradoxe est à chercher dans la nature même de cette indépendance, à nous octroyée par un colonisateur réticent et fourbe. Ce fut une indépendance de façade, sans souveraineté, vidée de tout ce qui rend l’indépendance désirable par des traités inégaux, dits accords de coopération. En vertu de ces accords léonins, nos pays ont continué d’être gouvernés à partir de Paris, par le truchement de gouvernants locaux promus et protégés par l’ex-métropole, et chargés de maintenir loin du pouvoir les leaders patriotes sortis du peuple. Cette situation ne peut durer.
Aussi exigeons-nous :
1) L’abolition immédiate desdits accords, ou leur révision dans un sens qui tienne compte de l’intérêt de nos pays ;
2) Le démantèlement de toutes les bases militaires françaises dans nos pays ; […]

5) Dorénavant, plus personne ne doit rester au pouvoir, de façon continue, pendant plus de dix ans […];

8) Les fonctions de chef de l’État, de gouvernement et de représentants du peuple sont incompatibles avec l’appartenance aux sectes secrètes étrangères ; […] (4)

En l'an 2000, 147 pays se sont réunis, sous l'égide des Nations Unis, pour conclure les Objectifs du Millénaire pour le Développement ( O.M.D) à atteindre d'ici l'an 2015. Ils traitent essentiellement de la pauvreté, de la faim, des inégalités entre sexes, de l’éducation, de la santé, de l’eau, de l’hygiène et, enfin, de l’environnement. Loin de représenter des objectifs impossibles, les OMD furent choisis parce qu'ils sont atteignables. Ainsi grâce à une action concertée, ils peuvent et devraient être atteints – voire éventuellement dépassés – afin de jeter la pauvreté extrême aux oubliettes. (5)
Comment peut-on atteindre ces objectifs alors que 50% des flux financiers internationaux transitent par les PFJ, avec la complicité du G8. Les discours tenus par les bailleurs de fond masquent leur cynisme. Ils passent pour être des "sauveurs de l'Humanité" alors que leurs objectifs consiste en un enrichissement à outrance, au mépris des populations du Sud. Il est urgent que les sociétés civiles du Sud et du Nord se mobilisent pour obliger ces assoiffés de sang des pauvres, à oeuvrer pour la création des Biens Publics à l'échelle mondiale. Pour cela, il faut procéder à une senbilisation de masse en utilisant tous les canaux de la communication.
Les travaux d'Alain Deneault, Coordonnateur de "Ressources d'Afrique" (un collectif d’auteurEs qui s’emploie à analyser le rôle des sociétés canadiennes en Afrique, le soutien diplomatique et politique dont elles profitent de même que le discours que tient le gouvernement canadien à leur propos. Le collectif s'intéresse aussi au développement international et à l’endettement des pays du Sud; http://www.ressourcesdafrique.org/). Dans son célèbre ouvrage intitulé:
Noir Canada. Pillage, corruption et criminalité en Afrique, paru à l'Édition Écosociétè, le 15 avril 2008.
À la "Thèse 4"intitulé: "Le Canada comme paradis judiciaire des sociétés minières et pétrolières",
à la "Glose1 (Vancouver: une Bourse mafieuse comme rampe de lancement des entreprises canadiennes)", il écrit:
" POUR FINANCER LEURS OPÉRATIONS, les entreprises minières juniors trouvent à Vancouver dans les années 1970 une Bourse archi-spéculative, béatement ouverte aux placements suspects et taillée sur mesure pour les attirer." (p.155)
" La Bourse de Vancouver(VSE) et, dans une moindre mesure, celle de Calgary ont longtemps été le foyer de douteuses juniors. Robert Hare, psychiatre, a déclaré un jour que s'il ne lui était plus donné de suivre des psychopathes en prison, il irait les retrouver à la Bourse de Vancouver. Vancouver, de 1907 à 2001, c'est la Bourse mondiale des opérations mafieuses, c'est le ''carnaval des sociétés privées, un financial freak show of sorts ne représentant à l'occasion rien de mieux que la fraude à l'état institutionnel''. On y cote n'importe quoi: un aéroport fantasmé en pleine forêt nordique-Une société de gestion de cet aéroport jamais construit a quand même été créée, elle est cotée en Bourse. Des milliers de sociétés de ce type sont cotées à Vancouver." (p.156)
" La Bourse de Vancouver a donc servi de rampe de lancement aux majors qui profitent aujourd'hui de l'Afrique. Barrick Gold y a financé ses quêtes d'or après que son fondateur, Peter Munk, eut vainement tenté sa chance dans les domaines de l'électronique et de l'hôtellerie. La société minière n'allait nul part jusqu'à ce que des travaux d'exploration se révèlent concluants...sur un terrain que le gouvernement fédéral états-unien lui avait étrangement cédé pour 10 000 $us (thèse 3, glose 1). Aujourd'hui, Barrick reçoit du financement directement des banques offshore hevètes pour assurer son développement; les taux de rendement oscillent autour ses 15%, selon l'avis autorisé de Gilles Labarthe. C'est donc un paradis minier que le gouvernement de la Colombie Britannique a longtemps encadré, avec la caution tacite d'Ottawa." (p.157)
" Cette Bourse de Vancouver et les modalités de financement qu'elle a rendues possibles portent préjudices à l'Afrique. Les juniors occupent une Afrique endettée et désespérée d'attirer des capitaux. Ses pays bradent donc leurs gisements miniers à ces sociétés spéculatives, étroitement dépendantes de leur actinnariat." (p.158)
à la Glose 2 (Toronto: la pierre angulaire du Canada comme paradis judiciaire des sociétés minières), il écrit:
" Au tournant du siècle, la Bourse de Vancouver achève de se discréditer tandis que celle de Calgary déménage à Toronto pour qu'y apparaisse une nouvelle Bourse d'investissement à risque, adaptéee aux sociétés d'exploration, le TSX-Venture." (p.166)
" En Afrique, les plans d'ajustement structurel imposés par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, de même que l'effondrement du règne kleptocratique de Joseph Mobutu au Zaïre, annoncent des jours meilleurs. Le Canada soutient ses sociétés non seulement pour qu'elles tirent leur épingle du jeu à l'échelle mondiale, mais aussi pour qu'elles y occupent une position dominante. (...) Dans ces conditions, Toronto assure de l'argent facile à ceux qui ont des entrées en Afrique. Le Niger a paraphé 23 contrats d'exploitation d'uranium impliquant une production de 3500 tonnes; 46% des droits d'exploitation dans ce pays reviennent à des canadiennes. Les cinq permis de prospection que le Semafo y a obtenus en avril 2007, par exemple, ont fait immédiatement grimper son titre boursier de 8%. Une autre source èvalue ce boom à 12%.(...) nous disons du Canada qu'il est un paradis judiciaire en raison des largesses de sa législation. Comme dans le cas des paradis fiscaux, il donne les coudées franches aux entreprises qui agissent, fortes de leur inscription ici, à l'extérieur du pays. En vertu de la permissivité orchestrée par la Bourse de Toronto et el gouvernement canadien, nos sociétés s'autorisent en dernière instances à agir de par le monde sous cette couverture juridique. La clémence fiscale canadienne explique également pourquoi des entreprises étrangères se sont manifestées aussi massivement à Toronto. Des avantages colossaux font du Cnada un État de droit où l'exploration dans les domaines minier et pétrolier est quasi dépourvue de contraintes." (pp.169-172)
Il faut saluer le courage et la tenacité du Collectif Ressources d'Afrique, pour ce "travail de fourmi", car il n'est pas aisé de procéder à une investigation dans le champ de l'obscurantisme, tant en Afrique qu'auprès des entreprises mises en questions. Ce Collectif, à l'instar de l'Association Survie (www.globenet.or/survie), milite pour la création des Biens Publiques à l'échelle mondiale. Tous les afrocentristes ont pour devoir de s'inspirer des travaux et des recherches d'intérêt publique, pour bâtir le Paradigme de la Renaissance kamite, et toutes les contributions allant dans ce sens, me semble, précieuse.
II. La grande corruption
La Juge Eva Joly, en prêtant serment comme magistrat, ne savait pas que certains soirs, elle aurait peur de rertourner chez, de tourner la clé dans la serrure. C'est pourtant ce qu'elle a vécu pendant sept ans avec "l'affaire Elf" . Elle a été surveillée, intimidé et menacées de mort. Des campagnes de presse ont été lancées pour la destabilisé. Son tort: avoir ôsé fouiner son nez dans le "monde des paradis fiscaux et judiciares." Malgré tout, elle est allé jusqu'au bout.
Elle écrit:
" Il est en effet désolant de constater le décalage entre l'exploitation des détournements financiers, qui s'accumulent sous nos yeux, et la lenteur de la riposte de la communauté internationale.(...) Comme dans les années 1880, il s'agit d'obtenir des dirigeants politiques et économiques qu'ils modifient d'eux-mêmes une situation injuste, dont ils tirent par ailleurs d'immenses profits. Les activités les plus sensibles à la grande corruption, qui tiennent sur les doigts d'une main, appartiennent au premier cercle du pouvoir: l'énergie, les grands travaux, l'armement, le télécommunications et l'exploitation des ressources minières. L'enjue stratégique est indiscutable; le secteur de l'énergie concentre sept des quinze premières entreprises mondiales.
À l'échelle d'un grand pays européen, la grande corruption ne concerne pa plus de cents personnalités étarngères. Bienqu'ils détiennent, de manière directe ou par leurs réseaux d'influence, la main du jeu politique, ils peuvent et doivent être contrôlés en priorité." (6)
Le verdict du procès des protagonistes de l'affaire ELF, est une preuve qu'avec des juges épris d'équité, on peut gagner le terrain perdu par la justice sociale.
Je vous conseille de regarder la vidéo au site ci-après:
II.1. Verdict du procès des protagonistes de l'affaire ELF
" Le tribunal correctionnel de Paris a condamné mercredi 12 novembre 2003, 30 des 37 prévenus de l’affaire Elf, parmi lesquels Loïk Le Floch-Prigent, Alfred Sirven et André Tarallo, jugés entre mars et juillet pour des détournements de fonds.

13 sont frappés par des peines de prison ferme.

7 anciens dirigeants d’Elf, dont l’ex-P-DG de 1989 à 1993, Loîck Le Floch-Prigent, 60 ans, et ses deux principaux collaborateurs, Alfred Sirven et André Tarallo, tous deux âgés de 76 ans, sont condamnés à des peines allant jusqu’à cinq ans de prison ferme.
Jusqu’ici libres, l’ancien "M. Afrique" d’Elf de 1967 à 1997, André Tarallo, et l’ex-directeur du raffinage Alain Guillon, 61 ans, condamnés respectivement à quatre et trois ans de détention, ont été arrêtés à l’audience et écroués immédiatement en vertu d’un mandat de dépôt délivré par le tribunal, une mesure rare.

Loïk le Floch-Prigent et Alfred Sirven, déjà écroués respectivement depuis février 2003 et février 2001, sont frappés tous deux de cinq ans de prison ferme. Ils avaient déjà été condamnés dans un premier volet de l’affaire à respectivement trente mois fermes et quatre ans fermes, peines qui devraient être confondues avec les plus récentes.

Le tribunal sanctionne aussi d’un an de prison ferme l’homme des missions secrètes, Hubert Le Blanc-Bellevaux, et l’ex-directeur de l’immobilier, Jean-François Pagès, et de deux ans fermes Roger Aïello, 76 ans, ex-bras droit d’André Tarallo.

Les autres condamnés sont des acteurs plus mineurs et surtout les bénéficiaires des détournements, évalués à deux milliards de francs par l’accusation. Y figurent un ex-député européen DL, Yves Verwaerde, 56 ans, un ancien policier, Daniel Leandri, 60 ans (dix mois fermes pour chacun), l’ex-épouse de Le Floch-Prigent, Fatima Belaïd, 48 ans, et Maurice Bidermann, 68 ans, ancien "roi de la confection" et ami personnel de l’ex-P-DG (un an ferme chacun).

Des intermédiaires de plusieurs nationalités sont aussi condamnés : 15 mois de prison ferme pour l’Allemand Dieter Holzer, 61 ans, et l’ex-espion français Pierre Léthier, 48 ans, neuf mois avec sursis pour l’Espagnol Daniel de Busturia, 59 ans, trois ans avec sursis pour André Guelfi, dit "Dédé la sardine", 84 ans.

AMENDES DE 19 MILLIONS D’EUROS

Relaxant sept prévenus, les juges ont en général été moins sévères que ne l’avait demandé le parquet dans ses réquisitions. A l’issue de neuf ans de procédure et quatre mois d’un procès accablant, vingt peines de prison ferme allant jusqu’à huit ans et 37 condamnations avaient en effet été requises. Dans ce dossier déjà considéré comme historique par la justice française, le tribunal a cependant frappé les trente condamnés d’un total de près de 19 millions d’euros d’amendes. Il leur a aussi imposé de payer à Total des dommages et intérêts vertigineux, allant de plusieurs centaines de milliers d’euros pour les plus "petits" coupables à plusieurs dizaines de millions pour les ex-dirigeants de la société.

Loïck le Floch-Prigent, nommé par François Mitterrand à Elf, est le "premier responsable de l’affaire", dit le tribunal dans ses attendus. "L’importance des faits, la multiplication des infractions, leur réitération sur plusieurs années, l’énormité du préjudice justifient de lourdes peines d’emprisonnement", ajoute le jugement.

"Il n’y a dans cette affaire ni hasard, ni coïncidence : tout a été soigneusement planifié, organisé et exécuté (...) Elf était à l’époque des faits une société publique et elle concernait donc tous les citoyens français qui, indirectement, peuvent se sentir victimes des infractions", ajoute le tribunal dans ses attendus.

Le jugement ne met pas fin à l’affaire Elf puisque de nombreux prévenus devraient faire appel, provoquant automatiquement l’organisation d’un nouveau procès.
Il se tiendra sans Loïck le Floch-Prigent. "Paradoxalement, la réaction de Loïk Le Floch-Prigent est une décision d’apaisement puisqu’il est fixé sur son sort judiciaire. Il accepte la décision et ne fera pas appel", a dit Me William Bourdon, son avocat. Alfred Sirven et André Tarallo hésitaient encore mercredi soir à faire appel, selon leurs avocats. Ils peuvent estimer avoir échappé au pire puisque le parquet avait demandé contre eux huit ans de prison ferme. Une autre enquête reste par ailleurs ouverte : le juge Renaud Van Ruymbeke tente de déterminer des responsabilités sur le versement de commissions en marge d’une opération au Nigeria, sous la présidence de Philippe Jaffré (1993-1999). Elf, privatisée en 1994, est aujourd’hui fondue dans Total." (7)
II.2. Le texte de la Déclaration de Paris

La Déclaration de Paris

"Nous, signataires de cet appel, venus du Nord et du Sud, de l’Est et de l’Ouest, nous dénonçons les effets dévastateurs de la grande corruption, avec son corollaire, l’impunité.

L’explosion des marchés ouverts a favorisé des pratiques de prélèvements, de commissions et de rétro-commissions, qui se sont développées de manière inquiétante au point d’envahir des secteurs entiers de l’économie. Les activités les plus sensibles sont l’énergie, les grands travaux, l’armement, l’aéronautique et l’exploitation des ressources minières. Sur ces marchés d’intérêt national, quelques grandes sociétés ont intégré la corruption comme un moyen d’action privilégiée. Ainsi, plusieurs milliers de décisionnaires à travers le monde échappent à tout contrôle. La grande corruption bénéficie de la complicité de banques occidentales. Elle utilise le circuit des sociétés off shores. Elle profite de la soixantaine de territoires ou d’Etats qui lui servent d’abri.

La grande corruption est une injustice. Elle provoque une ponction de richesses dans les pays du Sud et de l’Est. Elle favorise la constitution de caisses noires ou de rémunérations parallèles à la tête des grandes entreprises. Elle rompt la confiance nécessaire à la vie économique. Parce qu’elle a atteint parfois le cœur du pouvoir, la grande corruption mine les vieilles démocraties occidentales. Elle entrave le développement des pays pauvres et leur liberté politique.

Alors que la globalisation a permis la libre circulation des capitaux, les justices financières restent tenues par des frontières qui n’existent plus pour les délinquants. La souveraineté de certains Etats bancaires protège, de manière délibérée, l’opacité des flux criminels. Logiquement, les bénéficiaires de la grande corruption ne font rien pour améliorer la situation.

Il convient de tirer les conséquences de cette inégalité devant la loi dont profite la grande corruption. Il est indispensable de rétablir les grands équilibres de nos démocraties. Plutôt que d’espérer une vaine réforme de ces Etats, il est possible d’inventer de nouvelles règles pour nous-mêmes. A un changement de monde, doit correspondre un changement de règles.

Aussi nous demandons :

1. Pour faciliter les enquêtes :

-la suspension des immunités diplomatiques, parlementaires et judiciaires le temps des enquêtes financières (le renvoi devant un tribunal restant soumis à un vote sur la levée de l’immunité).

-la suppression des possibilités de recours dilatoires contre la transmissions de preuves aux juridictions étrangères.

-l’interdiction faite aux banques d’ouvrir des filiales ou d’accepter des fonds provenant d’établissements installés dans des pays ou des territoires qui refusent, ou appliquent de manière purement virtuelle, la coopération judiciaire internationale.

-l’obligation faite à tous les systèmes de transferts de fonds ou de valeurs, ainsi qu’aux chambres de compensations internationales d’organiser une traçabilité totale des flux financiers, comportant l’identification précise des bénéficiaires et des donneurs d’ordre, de telle manière qu’en cas d’enquête pénale, les autorités judiciaires puissent remonter l’ensemble des opérations suspectes.

2. Pour juger effectivement les délinquants :

-l’obligation légale faite aux dirigeants politiquement exposés de justifier de l’origine licite leur fortune. Si celle-ci ne peut être prouvée, elle pourra faire l’objet d’une “confiscation civile”.

-la création d’un crime de “grande corruption”, passible d’une peine similaire à celles prévues contre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation.

3. Pour prévenir la grande corruption :

-l’obligation faite aux sociétés cotées de déclarer dans leurs comptes consolidés, pays par pays, les revenus nets (impôts, royalties, dividendes, bonus, etc.), qu’elles payent aux gouvernements et aux sociétés publiques des pays dans lesquels elles opèrent..

-le siège social des sociétés multinationales lorsqu’une de leurs filiales à l’étranger est suspectée d’un délit de corruption, et que le pays ou est commis le délit ne peut pas, ou ne souhaite pas, poursuivre l’affaire.

-la mise en place d’une veille bancaire autour de dirigeants politiquement exposés et de leur entourage. Par dirigeants politiquement exposés, nous entendons les hommes et les femmes occupants des postes stratégiques au gouvernement, dans la haute administration et à la direction générale des entreprises privées intervenants dans les secteurs “à risque”.

-les portefeuilles de titres et les comptes bancaires, des dirigeants politiquement exposés ainsi que ceux de leurs famille proche, ouverts dans leur pays où à l’étranger, sera soumis à une procédure d’alerte lors de tout mouvement important, avec l’instauration d’une obligation pénale de signalement pour les cadres bancaires et les gestionnaires de titres.

Combattre la grande corruption est un préalable à toute action politique authentique. Nous devons restaurer la confiance dans les élites politiques et économiques. A l’heure de la globalisation, la responsabilité de ceux qui nous dirigent est immense. Elle doit échapper au soupçon, pour permettre l’espoir." (8)
III. Denis Robert, le symbole de la lutte contre la grande corruption
Journaliste français, de notorié internationale a ôsé bravé, comme la Juge Eva Joly, les géants de l'obscurantisme financier. Dans deux ouvrages célèbres (Révélations. Denis Robert et Ernest Backes, Paris, 455 pages, et La Boîte Noire à l'édition les Arènes, parus respectivement en février 2001 et en 2002), met à nu le système bancaire international qui soutend et couvre les activités crimilles des multinationales occidentales et des grandes fortunes de la planète. C'est un homme du sérail, qui connaît les us et coutumes du village financier, raconte, de l'intérieur, l'histoire secrète d'une association de banques née en 1971 et devenue en moins de trente ans un véritable monstre financier. Depuis le Luxembourg, les ordinateurs de cette firme brassent des trillions de dollars et d'euros (compter douze zéros après l'unité). Au départ, ce devait être une petire enquête. Et les ennuis sont arrivé. En même temps que les menaces. Les banquiers n'aiment pas qu'on dévoile leurs secrets.

L'enquête de Denis Robert nous conduit là où personne n'a jamais pu pénétrer : dans les coulisses de la finance internationale. Sur les pas d'Ernest Backes, l'insider (le témoin de l'intérieur), nous découvrons avec effroi des activités inavouables : dissimulations de comptes au nom des institutions les plus honorables, complicité avec des banques mafieuses, ramifications innonbrables avec des affaires existantes en France et ailleurs, circuit de blanchiment de narcodollars ou paiement de rançons...Pas une page ou presque sans révélations. C'est un livre livre qui a paru en même temps que le documentaire Les Dissimulations, une enquête de Denis Robert et Pascal Lorent (une heure environ), apportent des éléments nouveaux essentiels concernant la faisabilité de la taxe Tobin et les moyens de lutte contre la criminalité financière. C’est un voyage hallucinant au cœur de la finance mondiale. Il existe dans le monde trois sociétés, créées par les banques pour les banques et sous leur seul contrôle, par où passent maintenant toutes les transactions internationales concernant les devises (Swift) et les valeurs mobilières (Euroclear et Clearstream). Clearstream est au Luxembourg, les deux autres en Belgique.

Le livre et le film décrivent en détail le fonctionnement de l’une de ces sociétés, et apportent la démonstration de la traçabilité et de l’archivage à long terme des opérations financières. Les deux autres sociétés opèrent selon les mêmes principes. Toute une argumentation concernant la non-faisabilité de la taxe Tobin se trouve de ce fait balayée. Les auteurs montrent aussi comment ce système peut être utilisés pour des opérations à grande échelle de blanchiment et autres pratiques criminelles, ce qui peut déboucher sur de nouveaux moyens de les combattre.
De telles réalités dérangent. Le livre a été descendu en flammes, au prétexte d’une erreur mineure, par un journal des plus influents. À sa suite, presque toute la presse a fait silence.

Voilà ce qu’écrivait Denis Robert dans « une affaire personnelle » sorti en avril dernier:
"Parmi les sociétés qui ont réalisé le plus de bénéfices en une trentaine d’années, on trouve d’abord des banques. La magazine Forbes a établi en 2007 le Hit Parade des sociétés mondiales cotées en Bourse. Les critères du palmarès étaient les bénéfices. On mesure ici la rentabilité et non le chiffre d’affaires qui n’indique que la masse. Les banques américaines se partagent les premières places du classement, avec en tête Citygroup, qui était déjà premier l’an dernier. Il arrive devant Bank of America, qui a gagné une place. La banque britannique HSBC se place en troisième position. Ces banques sont toutes clientes de la multinationale qui me fait des procès et ont eu un représentant à son conseil d’administration. Les banques américaines occupent six des sept premières places. BNP Paribas est le premier groupe français et se place en quatorzième position, loin devant les pétroliers comme Total ou l’assureur Axa.

Les banques sont le fleuron du capitalisme. Elles sont aussi les sociétés les plus incontrôlables. L’un ne va pas sans l’autre. Toutes ces banques arrivées en tête du hit parade de Forbes ont ouvert des milliers de comptes dans tous les paradis fiscaux de la planète. D’un côté, on vente leur sérieux et leur stratégie. D’un autre, on les laisse défiscaliser à tout va. Les journaux n’évoquent jamais ce double jeu. Les journaux ne parlent jamais de leur pouvoir, mais se lamentent sur leur sort en cas de faillite ou de krach. Les banques sont de très gros annonceurs. La plupart des médias appartiennent ou sont gérés par des pools bancaires. Les banques sont à l’origine et à la conclusion de tout ce qui fait la vie économique et financière de nos sociétés. Elles sont intouchables. Elles sont la façade légale et la porte d’entrée du crime organisé dans nos sociétés. Je me suis intéressé à elles parce que j’ai compris qu’elles étaient une des clés du système de contrôle et d’appauvrissement de nos sociétés.

La banque, l’argent ne lui coûte rien.

Elle le fabrique et le revend. Le cash c’est pour la galerie ou les distributeurs automatiques. 99 % des masses monétaires qui circulent par le monde sont virtuelles. Cette fausse monnaie est investie en actions et en obligations. Puis, pour une part considérable, cachée dans des paradis lointains. Seules les banques savent y aller. Elles peuvent y libérer leurs rapacités. La seule différence entre une banque et une autre réside en sa communication. L’image qu’elle donne au monde. En vitrine, elles minaudent. Dans l’arrière-cuisine, elles sortent les griffes et les couteaux.

Les banquiers se sont partagé la planète. Mais à force de tirer sur les bénéfices, le marché se réduit. Alors les banques se bouffent entre elles. C’est leur côté mante religieuse. Les batailles sont terribles en coulisse. BNP a croqué Paribas. Citygroup a dévoré la banque d’investissement de Shroders. Deutsche Bank et Dresdner Bank ont muté. HSBC a englouti le Crédit commercial de France. L’espagnole Banco Bilbao a digéré la Banca Nazionale del Lavoro italienne. La hollandaise ABN Amro s’est farcie la Banque populaire de Vénitie. Fortis a mangé la Banque générale de Luxembourg. Après avoir roté un bon coup, elles continuent leur business qui consiste souvent à piller les États. Et donc à faire les poches des habitants de ces États.

Les banques vendent aux gogos leur capacité à faire gagner de l’argent. Elles sont la cheville essentielle du piège qui s’est refermé sur nous. Derrière la vitrine et l’apparence de sérieux, elles participent au dynamitage de nos démocraties. Elles nous attirent et nous entubent à coup de publicités hypnotisantes. Envoyez-vous en l’air avec un pass auto à 3 %, réalisez votre rêve de Home sweet home avec un crédit immobilier à 4 %, allongez-vous sur un matelas vacances à 5 %.

Pourtant à la seconde où un citoyen remet à son banquier ce qui lui appartient, ces dépôts deviennent, par une loi mécanique, un emprunt pour la banque. Qu’est-ce qu’il vient de déposer sinon le fruit de son travail ou de son héritage ? Qu’est-ce que la banque vient d’encaisser sinon de l’argent qui ne lui appartient pas ? Le premier succès des banques et le fait qu’elles soient les entreprises les plus florissantes de la planète repose sur ce hiatus. En créant le monopole de la circulation de l’argent, puis en inventant sa dématérialisation, elles font passer pour un service à leurs clients ce qui est un devoir très rémunérateur pour elles.

Les banquiers se servent de nos économies pour spéculer sur les marchés et inventer, avec la complicité des traders et autres dealers, de nouveaux produits de plus en plus pointus. Des fonds alternatifs qui donnent la possibilité de vendre du temps et du vent. Vous achetez des titres que vous ne payez qu’à 1 % de leur valeur. Vous les revendez dans la foulée en faisant une grosse marge. Et vous empochez le bénéfice. Si le marché plonge, ce n’est pas grave. La banque éponge avec l’argent de ses clients. Quand vous êtes à la tête d’une banque, vous êtes souvent à la fois acheteur et vendeur. Ce casino géant est toujours gagnant pour vous banquier, puisque vous spéculez avec l’argent des autres.

Les banques sont de belles putes maquillées avec distinction.

Leurs propriétaires sont des types souriants qui vous regardent les mains dans les poches de leur joli costume gris. Ils sourient tous de la même manière, le bridge éclatant. Ils vous fixent de leur regard clair. Ils sont debout devant leur banque, comme les tenanciers des bordels d’Amsterdam ou d’ailleurs. Vous passez en matant la vitrine. Vous entrez, choisissez votre pute, grimpez un escalier, suivez un couloir. Puis vous vous dirigez vers une suite de chambres qui sont communes à toutes les filles. Les chambres sont l’outil de travail collectif. Elles sont gérées par une hôtelière qui paie le personnel pour changer les draps, donner les clés, surveiller le bon déroulement des opérations. L’argent encaissé est reversé à l’hôtelière qui le refile au propriétaire en se gardant une commission. Le système fonctionne.

Chaque banque a un nom différent, une vitrine distincte, mais, à l’étage du dessus, les employés qui bossent pour les banquiers se retrouvent derrière les mêmes écrans et se partagent le même marché. En bas, le banquier peut continuer à vous montrer ses dents en faisant son baratin. En haut, les employés turbinent pour le collectif. Les organismes de compensation financière sont l’outil de travail commun à toutes les banques de la planète. On les appelle aussi des chambres. Elles paient des informaticiens, des chargés de clientèle, des programmeurs pour veiller au bon déroulement des transactions. Que vous achetiez à crédit une voiture, une maison ou une semaine de détente en Sicile, la banque vend un produit qu’elle a trouvé chez un grossiste commun. Libres à elles de le vendre plus ou moins cher, de vous l’envelopper de rose ou pas. C’est un travail d’image et de communication. Un travail de gagneuse. Les banques vous aguichent puis vous baisent.

(Les banques, chap. 19)



(…)

Les vrais mafieux lisent le Financial Time ou le Wall Street Journal et descendent à l’Hôtel Royal de Luxembourg ou au Beau Rivage à Genève. Ils ne mangent pas de pâtes à Little Italy, mais plutôt dans un Milanese food de Londres où on sert des spaghettis aux truffes dans des coupes à champagne. Ils se sont civilisés, policés, politisés. Ils achètent des clubs de football avec des copains traders ou des actions du CAC 40 parce que c’est plus clean.

(…)

Rien n’est nouveau dans cette fabrication d’une mythologie simpliste. Nous sommes dans la société du spectacle parachevé. En 1967, Guy Debord expliquait déjà que la mafia et l’Etat était associée : La mafia n’est pas étrangère dans ce monde, elle y est parfaitement chez elle. Elle règne en modèle de toutes les entreprises commerciales avancées.

En mettant dans le même panier organisation mafieuse et société commerciale avancée, Debord fait référence à un temps où les entreprises commerciales n’étaient pas avancées, où des limites plus claires existaient entre mafia et Etat. L’avancement des sociétés tient à leur modernisme, à leur adaptation à l’époque. Le système mafieux reposant sur une organisation secrète et militaire et sur la terreur ne peut plus fonctionner pour une raison simple : son manque de rentabilité. Le mafieux a dû s’adapter et se civiliser pour survivre puis prospérer.

Les criminels ont un besoin vital de points aveugles sur la planisphère pour pratiquer leurs substitutions et phagocyter les systèmes démocratiques. Ils ont besoin de trous noirs et de processus discrets. D’endroit où ils savent qu’on ne viendra pas les emmerder. Même si un risque minimum existe toujours de les importuner. Je représente, par mon travail et certains de mes livres, une quantité infinitésimale de dérangement pour eux.

J’ai mis les pieds dans l’arrière-cuisine du village financier. J’ai compris le fonctionnement de ce bordel très policé. La multinationale à laquelle je me suis intéressé loue son savoir-faire, son impunité et ses coffres-forts à toutes les banques de la planète. Elle offre, moyennant commissions, quantité de services. Elle prête de l’argent, investit, archive, cautionne. Au besoin, s’arrange pour qu’il soit très difficile d’en retrouver la trace.

Nous avons localisé des lieux sur la planète, où la délinquance financière - ses ramifications, sa diversité, son implantation, sa nature protéiforme - est repérable. Des techniciens de la finance ont créé un outil complexe, subtil et performant, dont les règles de fonctionnement ne sont connues que des initiés. L’outil subtil des banquiers a permis la mondialisation financière. Il est un point aveugle de la finance mondiale. Une maison close où l’argent peut entrer, tranquillement, sans frapper. Et ressortir sans prévenir. Seuls quelques banquiers ont la clé. Pour entrer, il faut payer. L’abonnement est cher. On peut s’abonner directement, ou s’abonner chez un abonné, ou chez l’abonné d’un abonné d’un abonné. Ça marche en cascade. Chacun sa commission. Chacun ses fusibles.

Les chambres de compensations internationales sont les clés de voûte du capitalisme clandestin.

De manière générale, une clé de voûte est un élément unique qui permet de maintenir la cohésion des multiples éléments l’entourant.

Le capitalisme clandestin a pris le pas sur l’autre qu’on pourrait appeler le capitalisme officiel. Ou la vitrine légale. Le but ultime du capitalisme, l’officiel comme le clandestin, reste la fabrication de profit destiné à une minorité de privilégiés. Il nous enchaîne et nous plie à son service. Refuser sa logique devient de plus en plus difficile. Surtout quand on est journaliste ou écrivain. Dès que vous résistez, le système vous marginalise puis, si vous résistez vraiment, cherche à vous briser.


(in Mafia, chap. 48)

(…)


Certains banquiers sont comme les barons de Cosa nostra. Ils démarrent soldati, montent en grade. Capodecina, consigliere. Pour finir : capo dei capi. Ils agissent, mais ne parlent pas. L’omerta est la règle. La discipline dans les deux cas est militaire. Je ne parle pas des chefs d’agence ou des petits banquiers. Eux ce sont des soldats. Je parle de leurs généraux. Je parle des types à la tête des banques.

Le crime est à l’intérieur de nos sociétés. À l’intérieur des banques.

(in "le long repas de l’apocalypse", chap. 59)
Les photos viennent de la galerie W 44 rue Lepic Paris 18ième, où DenisRobert expose entre le 6 et le 30 octobre." (9)
Clearstream Banking, lui intente un procès en diffamation, auprès du Tribunal de Grande Instance de Paris, Assignation du 28 mars 2002. Vous pouvez consulter les extraits du jugement au sites suivants:
Le 16 octobre 2008, devant la 11e chambre du tribunal de Paris, Denis Robert a été condamné trois fois pour diffamation à l’endroit de la banque luxembourgeoise Clearstream. La Cour d’appel de Paris a estimé que le journaliste avait bien diffamé Clearstream en l’accusant de blanchir de l’argent sale. Dans le cadre de la première affaire, la Cour a condamné Denis Robert et son éditeur à verser à Clearstream 1 500 euros de dommages et intérêts et 3 000 euros de frais de justice. Dans la deuxième affaire, elle les a condamnés à des dommages et intérêts de 1 500 euros. Sur cette condamnation, Denis Robert a décidé de jetter l'éponge. Cependant les vérités dites sont implaccables, la lutte doit être poursuivi. La Plate-Forme Paradis Fiscaux et Judiciaires, certaines ONG comme SURVIE et d'autres personnalités u compris la société civile au Sud et au Nord, doivent prendre le relais.

IV.Appel de Bruxelles pour une justice financière internationale:
Source : Attac Wallonie-Bruxelles

"L’émergence de la globalisation financière et le développement exponentiel des flux de capitaux internationaux se sont appuyés sur la transformation de l’argent en données informatiques passant automatiquement d’un compte à un autre par le biais de “chambres de compensation” internationales.

Aujourd’hui, le dénouement de toutes les transactions financières internationales est assuré par une société de “routage financier”, Swift, et par deux chambres de compensation internationales, Euroclear et Clearstream, qui jouent le rôle de facteurs et de notaires du monde financier globalisé.

L’ouvrage Révélation$, de Denis Robert et Ernest Backes, et le film Les Dissimulateurs, de Denis Robert et Pascal Lorent, fruit de deux années d’enquête, démontrent qu’une des clés de la mondialisation financière se trouve dans les mécanismes opaques de ces chambres de compensation internationales.

D’une part, la floraison de comptes non publiés ouverts par les filiales de grandes banques installées dans les paradis fiscaux et le fait que certains industriels ont directement ouvert des comptes sans passer par une institution financière ne manquent pas d’inquiéter.

D’autre part, si l’explosion des échanges financiers a pu laisser croire au chaos des flux financiers, en réalité, aucune trace de la circulation des capitaux, qu’ils soient licites ou non, ne s’égare. Toutes les opérations sont enregistrées sur microfiches ou disques optiques et conservées au sein des chambres de compensation, et dans les archives de Swift.

Ce constat est à la fois dramatique et porteur d’espoir, puisqu’il confirme qu’il est techniquement possible d’assurer une “traçabilité” de toutes les opérations financières internationales.
Ainsi, les mouvements de fonds à partir des paradis bancaires et fiscaux peuvent être facilement reconstitués, ce qui offre les outils nécessaires à la lutte contre la criminalité financière et la prolifération des paradis fiscaux. Pour la même raison, le contrôle et l’établissement d’une taxe sur les transactions financières sont grandement facilités.

Ces opportunités ne pourront cependant se concrétiser que si une volonté politique existe.
A contrario, abandonnés sans contrôle réel, ou contrôlés par les seules banques, ces organismes supranationaux peuvent être des pourvoyeurs de corruption, de fraudes financières et de blanchiment.

C’est pourquoi nous demandons aux institutions politiques nationales et supranationales de placer Swift, Euroclear et Clearstream sous le contrôle démocratique d’une organisation de tutelle.

Nous voulons ainsi récupérer les espaces perdus par la démocratie au profit de la sphère financière et permettre l’établissement d’une justice économique et sociale internationale." (10)
V. Bien mal acquis...profitent trop souvent.
Le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement-C.C.F.D), a produit un document de travail en mars 2004. Le principal auteur de ce rapport est Antoine Dublin, avec le concours et sous la responsabilité de Jean Merckaert, chargé du plaidoyer sur le financement du développement au C.C.F.D. Contact: j.merckaert@ccfd.asso.fr.
Ce document de travail, retrace de façon minutieuse, les avoirs des principaux dictateurs du Sud
et les complaisances occidentales. Documents ayant servi de référence pour la plainte déposée par l'Association SRVIE, SHERPA et le Ligue des Congolais de la Diaspora, contre Omar Bongo(Parrain de la Françafrique, Gabon), Denis Sassou(Congo-Brazzaville), Idris Deby(Tchad), Obiang Nguema(Guinnée Équatoriale).
Les Principales conclusions:
"A en croire le président de la Banque Mondiale, l’Américain Paul Wolfowitz, la restitution des
avoirs détournés par les dirigeants des pays du Sud devrait démontrer l’engagement déterminé de la communauté internationale contre la corruption, décrite comme le cancer du développement. A combien peut-on estimer les sommes détournées et celles restituées ? De quels instruments juridiques dispose un pays spolié et à quels obstacles doit-il faire face ? L’engagement de la communauté international est-il sincère ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles tente de répondre ce document de travail du CCFD. En voici les principales conclusions.

1. Les avoirs détournés et les biens mal acquis par les dictateurs des pays du Sud
représentent un vrai enjeu de développement.

Au niveau quantitatif, les avoirs détournés par des dictateurs au cours des dernières décennies représentent, au bas mot1, entre 100 et 180 milliards de dollars. Pour certains pays, la ponction est massive : la fortune de 5 à 6 milliards de dollars amassée par Mobutu en RDC (ex-Zaïre) équivaut au PIB du pays ! Ces chiffres, qui ne tiennent pas compte des détournements opérés par les proches des dictateurs, ne donnent qu’un aperçu de l’ampleur de la corruption. Michel Camdessus, l’ancien directeur général du FMI, a ainsi évoqué des chiffres dépassant 1.000 milliards de dollars.

Au niveau politique, la grande corruption mine la démocratie. Elle finance le maintien au pouvoir de régimes autoritaires (arrangements avec l’opposition, clientélisme, achat d’armes). Elle s’impose dans l’imaginaire de la population comme la clé de la réussite politique ou économique et tend à s’ériger en système. En sapant les efforts entrepris par les citoyens pour la justice et la vérité, elle peut ruiner les espoirs de démocratisation même des plus téméraires.

2. Les discours vertueux des bailleurs de fonds masquent mal la faiblesse des fonds restitués (4 milliards de dollars) ou gelés (2,7 milliards de dollars). Pour l’essentiel, les rares fonds restitués l’ont été récemment par la Suisse, notamment ceux de Marcos (Philippines) et d’Abacha (Nigeria), et par les Etats-Unis concernant Saddam Hussein (Irak). La France, qui s’enorgueillit d’être le premier pays du G8 à avoir ratifié la Convention des Nations Unies contre la corruption (dite de Mérida), n’a procédé à aucune mesure de restitution.

3. Le pillage des richesses des pays du Sud s’est opéré avec la complicité ou à l’initiative des gouvernements et des entreprises du Nord.

Soucieux de leurs intérêts géopolitiques et économiques, les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou la France ont soutenu l’arrivée ou le maintien au pouvoir des régimes les plus despotiques et corrompus, que ce soit en Asie (Suharto, Marcos), en Amérique latine (Duvalier, Pinochet) ou en
Afrique (Abacha, Houphouët-Boigny). Alors que Blumenthal, le représentant local du FMI, les avait alertés par un rapport, en 1982, que le régime Mobutu était un puits sans fond, les pays occidentaux ont délibérément poursuivi leur soutien financier. En 1997-98, la France et la compagnie Elf ont financé la reprise du pouvoir au Congo-Brazzaville par Denis Sassou Nguesso, moins regardant sur les conditions d’exploitation du pétrole de son pays. Dès lors, on comprend le peu d’empressement des gouvernements du Nord à saisir et restituer les avoirs et biens mal acquis des dictateurs en question. Au-delà même de l’activité économique générée par ces apports de liquidités, sanctionner leurs alliés d’hier ou d’aujourd’hui les exposerait à des révélations dont ils préfèrent se passer.

4. Les paradis fiscaux et judiciaires constituent un obstacle majeur au recouvrement des avoirs d’origine illicite.

Les paradis fiscaux et judiciaires, qui offrent à leurs utilisateurs faible imposition et opacité garantie, minimisent l’espoir que les pays spoliés recouvrent un jour les 100 à 180 milliards envolés :

• Ils rendent très difficile la localisation des avoirs volés, car le secret bancaire et de multiples entités juridiques (trust, fondations, special purpose vehicle, etc.) permettent de masquer le véritable propriétaire des fonds. Ils favorisent ainsi le blanchiment de l'argent volé et son recyclage dans l'économie légale.

• Ils permettent de transférer très rapidement les capitaux traqués (ou susceptibles de l’être)
dans des lieux où on pourra difficilement venir les chercher.

Or, ces paradis fiscaux et judiciaires n’existent qu’avec l’accord des grandes places financières internationales. La moitié des territoires offshore dans le monde bat pavillon britannique ;
l’Etat du Delaware aux Etats-Unis a tout du paradis fiscal ; l’Europe abrite Luxembourg, la Suisse et le Liechtenstein et la France, en particulier, tolère a ses portes deux des pires centres offshore au monde : Monaco et Andorre2.

5. En dépit d’un arsenal législatif renforcé, l’identification, le gel et la restitution des avoirs mal acquis se heurtent aux faiblesses de la coopération judiciaire.

L’arsenal législatif pour saisir et restituer les fonds d’origine illicite s’est considérablement enrichi ces dernières années. Depuis dix ans, l’organisation des Etats américains, le Conseil de l’Europe, l’Union africaine et l’Union européenne se sont dotés de conventions et autres protocoles contre la corruption. Surtout, les Nations Unies ont adopté en 2003 la Convention de Mérida, entrée en vigueur en décembre 2005 et qui, dans son chapitre V, érige le recouvrement des avoirs d’origine illicite en principe du droit international. Pour autant, ces normes resteront condamnées au rang de déclarations de principes tant qu’elles ne s’accompagneront pas d’une coopération judiciaire effective. Pour un pays spolié, le recouvrement des avoirs volés relève du parcours du combattant. Une fois soumise la demande d’entraide judiciaire au pays qu’on soupçonne d’abriter les fonds volés, encore faut-il compter sur le bon vouloir de l’administration sollicitée : la France a refusé au Nigeria une demande formulée en anglais ; l’Angleterre refuse de coopérer si on ne lui donne pas la preuve que les fonds se trouvent bien sur son territoire ( !) ; la Suisse ne cherche pas à identifier les comptes détenus sous de faux noms ; le Liechtenstein dispose d’une quinzaine de voies de recours administratifs et judiciaires rallongeant d’autant le processus ; certains pays ne répondent jamais. Dans le meilleur des cas, la demande aboutit mais, comme pour les avoirs de Marcos en Suisse, après 17 ans de procédures !

Ces difficultés corroborent le triste constat des magistrats signataires de l’Appel de Genève en
1996 : les frontières n’existent plus pour l’argent sale, mais pour la justice, si." (11)

Références bibliographiques:

2.http://www.taxjustice.net/cms/upload/pdf/Corruption_pauvrt_et_economie_politique_des_PF_-_oct-07.pdf



6. Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre? Eva Joly, Édition des Arènes, 2003 (pp.I-III)

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