lundi 9 mai 2011

Calixthe Beyala: De ma méfiance à l'égard de Ouattara

De ma méfiance à l'égard de OUATTARA qui va au delà des clivages politiques



Quelqu'un m'a demandée pourquoi je n'aimais pas Ouattara ? Est-ce que Aimer ou Détester serait-il la question ? Nos émotions ont-elles de l'importance ?

Dans le cas d'espèce, j'ignorais jusqu'à présent l'homme politique symbolisé par Ouattara. Je connaissais l'argentier, le financier, celui qui œuvrait pour le FMI avec acharnement, l'homme des ajustements structurels, celui qui a permis aux puissances Occidentales de broyer l'Afrique à la fin des années 1980-début 1990. J'étais très jeune alors... Mais je n'ai rien oublié.

Après avoir sucé, spolié, écrasé l'Afrique trente ans après les indépendances, que ce continent se cherchait encore avec ses errances et ses erreurs, ses accointances et ses maladresses, ses réussites maigres, mais néanmoins ses réussites, l'Occident utilisa alors cet homme pour nous abattre. Il fut l'instrument du FMI pour la mise en place de ce qu'on appelait alors pompeusement " MESURES D'AJUSTEMENTS STRUCTURELS" qui eurent pour effet immédiat la privatisation de la plupart des sociétés africaines,- banques, ports, eaux, électricité et j'en passe, - dans la plupart de nos pays. Ces sociétés privatisées au profit de l'Occident se dépêchèrent de licencier les salariés par brassées et par fournées. Le mot le plus usité par nos frères et sœurs était " compression " !




J'ai été victime de la Compression du personnel" clamaient-ils en pleurnichant. Des millions de familles se retrouvèrent dans la misère la plus absolue. La misère en Afrique était devenue si grande, si grande et l'humiliation fut au rendez-vous. Une femme du nom d'Axelle Kabou écrivit un livre : " Et si l'Afrique refusait le développement ?" On l'invitait dans tous les parlements européens exposer sa thèse selon laquelle le peuple africain était composé d'inadaptés au bien être et au développement, qu'il refusait de s'épanouir. On l'applaudissait des deux mains. On se moquait des africains et des africains-descendants : " Pauvre peuple d'idiot", semblait nous dire chaque regard qui croisait notre chemin. D'ailleurs, je mis un point d'honneur à toujours refuser de débattre avec elle, car il y a des horreurs qui ne se contredisent pas !

A cela, oh oui, à cette grande misère, on ajouta la dévaluation du francs C.F.A, à tel enseigne qu'un professeur qui gagnait 200000 francs CFA se retrouvait du jour au lendemain avec 80 000. Quelle misère ! Quelle misère. Le peu d'argent que je gagnais à l'époque en tant que très jeune auteure, je l'expédiais sur le continent pour aider, ou du moins, continuer à faire scolariser malgré tout un certain nombre d'enfants.

Je me souviens de mes allées et venues au parlement français. j'essayais de convaincre quelques députés afin de les amener à demander aux investisseurs français de s'en aller en Afrique. Ils me regardaient goguenards : " Mais l'Afrique est foutue, ma chère Calixthe, disaient-ils. Et d'ajouter : L'Afrique c'est fini ! Nous allons investir en Europe de l'Est ! L'Europe de l'Est est notre avenir !"

Mais les dirigeants africains, du moins certains d'entre eux, prirent leur courage à deux mains. Ils se tournèrent vers l'Asie, vers l'Inde, vers le Brésil. Et les économies Africaines redémarrèrent un tout petit peu au premier tiers des années 2000 !

Et voilà le Ouattara qui revient dans les bagages des Occidentaux comme Président ! Comment lui accorder le moindre crédit ? Comment oublier que cet homme a fait le malheur des africains ? Voilà soudain l'Afrique redevenue très importante pour les Occidentaux, comment les croire ? Les voilà à faire gober leur fausse démocratie aux noirs, parce qu'ils se rendent compte que le continent est riche et pourrait s'en sortir sans eux ! Quelques naïfs y croient ! Et J'en suis triste ! Terriblement triste !

Je vous raconte cette histoire, parce que beaucoup d'entre vous sont très jeunes et n'ont pas connu cette épisode tragique du continent ; je vous raconte cette histoire parce que beaucoup d'entre vous se limitent à une histoire électorale entre les pro-Gbagbo et les pro-Ouattara. Mes arguments vont au delà de ces clivages. Je vous raconte cette histoire parce que j'ai une mémoire et qu'un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir.

Merci encore

Source:
http://afrohistorama.over-blog.com/article-calixthe-beyala-de-ma-mefiance-a-l-egard-de-ouattara-qui-va-au-dela-des-clivages-politiques-73453773.html




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